r... en vue de l'avenir.
Le baron se retira en pensant que la marquise n'etait vraiment pas
sotte.
Mais quelle femme corrompue, bon Dieu!
Il n'y avait qu'une Francaise au monde capable d'inventer une pareille
combinaison, et encore sans paraitre y toucher.
Quelle Babylone que ce Paris!
XII
Mademoiselle Flavie Schwerdtmann, connue au theatre sous le nom de
Flavie Engel, plus facile a prononcer pour une bouche francaise, ou plus
simplement sous celui de Flavie tout court, beaucoup plus facile encore,
etait ce qu'on appelait alors dans un certain monde une jeune grue, et
elle n'etait que cela.
Dix-neuf ans, une beaute assez pale, pas le moindre talent, et cependant
elle avait une certaine reputation.
Elle la devait, cette reputation, a l'etrangete et a la bizarrerie qui
se montraient en elle.
C'etait une Allemande de la Pomeranie, nee d'un pere et d'une mere qui
l'un et l'autre etaient deux types de pure race; cette purete de
race, ils l'avaient transmise a leur fille, et celle-ci, au milieu de
comediennes francaises, frappait le spectateur le moins attentif par
ses yeux bleus, ses cheveux d'un blond pale, et tous les caracteres
constitutifs de la "Germaine". C'est deja une raison de succes de ne pas
ressembler aux autres. A Berlin ou a Stettin, on ne l'eut pas regardee;
a Paris, on la remarquait.
Mais a cette attraction, en realite assez legere, elle en joignait une
autre, plus puissante: Allemande de naissance, elle avait cesse de
l'etre par son education. De la en elle un curieux melange de qualites
et de defauts disparates, jurant de se trouver ensemble, et qui,
precisement par cela seul, la rendaient seduisante pour certains esprits
blases, amoureux de ce qui sort du naturel.
Elle etait enfant a son arrivee a Paris et orpheline de mere; son pere,
qui etait un excellent employe, comme le sont souvent les Allemands,
laborieux, exact, zele, l'avait livree aux soins d'une domestique par
malheur richement douee de tous les vices; de sorte que l'education que
la petite Flavie avait recue etait celle de la rue, et meme, pour tout
dire, celle du ruisseau.
Dans son roman des _Liaisons dangereuses_, Laclos a peint une jeune
fille sage et innocente, que son amant prend plaisir a corrompre en
apprenant a son ecoliere naive une espece de "catechisme de debauche."
Sans savoir ce qu'elle dit, cette petite repete les monstruosites les
plus etonnantes, et, dans la lettre ou il raconte cette histoire, ce
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