nne mere?
-- Assez, je vous en conjure; vous me dechirez le coeur.
-- Moi?
-- Sans doute, vous parlez de ce depart avec une tranquillite.
-- Je ne suis pas nee pour etre heureuse, Sire, repondit
melancoliquement la princesse, et j'ai pris, toute jeune,
l'habitude de voir mes plus cheres pensees contrariees.
-- Dites-vous vrai? Et votre depart contrarierait-il une pensee
qui vous soit chere?
-- Si je vous repondais oui, n'est-il pas vrai, Sire, que vous
prendriez deja votre mal en patience?
-- Cruelle!
-- Prenez garde, Sire, on se rapproche de nous.
Le roi regarda autour de lui.
-- Non, dit-il.
Puis, revenant a Madame:
-- Voyons, Henriette, au lieu de chercher a combattre la jalousie
de Monsieur par un depart qui me tuerait...
Henriette haussa legerement les epaules, en femme qui doute.
-- Oui, qui me tuerait, repondit Louis. Voyons, au lieu de vous
arreter a ce depart, est-ce que votre imagination... Ou plutot
est-ce que votre coeur ne vous suggererait rien?
-- Et que voulez-vous que mon coeur me suggere, mon Dieu?
-- Mais enfin, dites, comment prouve-t-on a quelqu'un qu'il a tort
d'etre jaloux?
-- D'abord, Sire, en ne lui donnant aucun motif de jalousie,
c'est-a-dire en n'aimant que lui.
-- Oh! j'attendais mieux.
-- Qu'attendiez-vous?
-- Que vous repondiez tout simplement qu'on tranquillise les
jaloux en dissimulant l'affection que l'on porte a l'objet de leur
jalousie.
-- Dissimuler est difficile, Sire.
-- C'est pourtant par les difficultes vaincues qu'on arrive a tout
bonheur. Quant a moi, je vous jure que je dementirai mes jaloux,
s'il le faut, en affectant de vous traiter comme toutes les autres
femmes.
-- Mauvais moyen, faible moyen, dit la jeune femme en secouant sa
charmante tete.
-- Vous trouvez tout mauvais, chere Henriette, dit Louis
mecontent. Vous detruisez tout ce que je propose. Mettez donc au
moins quelque chose a la place. Voyons, cherchez. Je me fie
beaucoup aux inventions des femmes. Inventez a votre tour.
-- Eh bien! je trouve ceci. Ecoutez-vous, Sire?
-- Vous me le demandez! Vous parlez de ma vie ou de ma mort, et
vous me demandez si j'ecoute!
-- Eh bien! j'en juge par moi-meme. S'il s'agissait de me donner
le change sur les intentions de mon mari a l'egard d'une autre
femme, une chose me rassurerait par-dessus tout.
-- Laquelle?
-- Ce serait de voir, d'abord, qu'il ne s'occupe pas de cette
femme.
-- Eh bien! voila precisemen
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