toutes les vertus, et n'a pas un seul defaut.
Et les jeunes gens passerent la-dessus, et, comme ils
s'eloignaient, leurs voix se perdirent peu a peu.
-- Comment! La Valliere, dit Mlle de Tonnay-Charente. M. le
vicomte de Bragelonne a dit "Louise" en parlant de vous. Comment
cela se fait-il?
-- Nous avons ete eleves ensemble, repondit Mlle de La Valliere;
tout enfants, nous nous connaissions.
-- Et puis M. de Bragelonne est ton fiance, chacun sait cela.
-- Oh! je ne le savais pas, moi. Est-ce vrai, mademoiselle?
-- C'est-a-dire, repondit Louise en rougissant, c'est-a-dire que
M. de Bragelonne m'a fait l'honneur de me demander ma main...
mais...
-- Mais quoi?
-- Mais il parait que le roi...
-- Eh bien?
-- Que le roi ne veut pas consentir a ce mariage.
-- Eh! pourquoi le roi? et qu'est-ce que le roi? s'ecria Aure avec
aigreur. Le roi a-t-il donc le droit de se meler de ces choses-la,
bon Dieu?..." _La poulitique est la poulitique_, comme disait
M. de Mazarin; _ma l'amor, il est l'amor._" Si donc tu aimes
M. de Bragelonne, et, s'il t'aime, epousez-vous. Je vous donne mon
consentement, moi.
Athenais se mit a rire.
-- Oh! je parle serieusement, repondit Montalais, et mon avis en
ce cas vaut bien l'avis du roi, je suppose. N'est-ce pas, Louise?
-- Voyons, voyons, ces messieurs sont passes, dit La Valliere;
profitons donc de la solitude pour traverser la prairie et nous
jeter dans le bois.
-- D'autant mieux, dit Athenais, que voila des lumieres qui
partent du chateau et du theatre, et qui me font l'effet de
preceder quelque illustre compagnie.
-- Courons, dirent-elles toutes trois.
Et relevant gracieusement les longs plis de leurs robes de soie,
elles franchirent lestement l'espace qui s'etendait entre l'etang
et la partie la plus ombragee du parc.
Montalais, legere comme une biche, Athenais, ardente comme une
jeune louve, bondissaient dans l'herbe seche, et parfois un Acteon
temeraire eut pu apercevoir dans la penombre leur jambe pure et
hardie se dessinant sous l'epais contour des jupes de satin.
La Valliere, plus delicate et plus pudique, laissa flotter ses
robes; retardee ainsi par la faiblesse de son pied, elle ne tarda
point a demander sa grace.
Et, demeuree en arriere, elle forca ses deux compagnes a
l'attendre.
En ce moment, un homme, cache dans un fosse plein de jeunes
pousses de saules, remonta vivement sur le talus de ce fosse et se
mit a courir dans la direction du
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