consideration et le respect d'un honnete homme envers une
femme adoree. Chassez-moi, maudissez-moi, denoncez-moi, vous serez
juste; je me suis plaint de vous, mais je ne m'en suis plaint si
amerement que parce que je vous aime; je vous ai dit que je
mourrai, je mourrai; vivant, vous m'oublierez; mort, vous ne
m'oublierez point, j'en suis sur.
Et cependant, elle, qui se tenait debout et toute reveuse, aussi
agitee que le jeune homme, detourna un moment la tete, comme un
instant auparavant il venait de la detourner lui-meme.
Puis apres un silence:
-- Vous m'aimez donc bien? demanda-t-elle.
-- Oh! follement. Au point d'en mourir, comme vous le disiez. Au
point d'en mourir, soit que vous me chassiez, soit que vous
m'ecoutiez encore.
-- Alors, c'est un mal sans espoir, dit-elle d'un air enjoue, un
mal qu'il convient de traiter par les adoucissants. La! donnez-moi
votre main... Elle est glacee!
De Guiche s'agenouilla, collant sa bouche, non pas sur l'une, mais
sur les deux mains brulantes de Madame.
-- Allons, aimez-moi donc, dit la princesse, puisqu'il n'en
saurait etre autrement.
Et elle lui serra les doigts presque imperceptiblement, le
relevant ainsi, moitie comme eut fait une reine, et moitie comme
eut fait une amante.
De Guiche frissonna par tout le corps.
Madame sentit courir ce frisson dans les veines du jeune homme, et
comprit que celui-la aimait veritablement.
-- Votre bras, comte, dit-elle, et rentrons.
-- Ah! madame, lui dit le comte chancelant, ebloui, un nuage de
flamme sur les yeux. Ah! vous avez trouve un troisieme moyen de me
tuer.
-- Heureusement que c'est le plus long, n'est-ce pas? repliqua-t-
elle.
Et elle l'entraina vers le quinconce.
Chapitre CXX -- La correspondance d'Aramis
Tandis que les affaires de de Guiche, raccommodees ainsi tout a
coup sans qu'il put deviner la cause de cette amelioration,
prenaient cette tournure inesperee que nous leur avons vu prendre,
Raoul, ayant compris l'invitation de Madame, s'etait eloigne pour
ne pas troubler cette explication dont il etait loin de deviner
les resultats, et il avait rejoint les dames d'honneur eparses
dans le parterre.
Pendant ce temps, le chevalier de Lorraine, remonte dans sa
chambre, lisait avec surprise la lettre de de Wardes, laquelle lui
racontait ou plutot lui faisait raconter, par la main de son valet
de chambre, le coup d'epee recu a Calais et tous les details de
cette aventure avec invitation d'en
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