ous les secrets de l'ordre, un de ces hommes
pour lesquels la science n'a plus de secrets, la societe plus de
barrieres, l'obeissance temporelle plus de liens.
-- Ainsi, dit Grisart en saluant avec respect, je me trouve en
face d'un maitre?
-- Oui, agissez donc en consequence.
-- Et vous voulez savoir?...
-- Ma situation reelle.
-- Eh bien! dit le medecin, c'est une fievre cerebrale, autrement
dit une meningite aigue, arrivee a son plus haut point
d'intensite.
-- Alors, il n'y a pas d'espoir, n'est-ce pas? demanda le
franciscain d'un ton bref.
-- Je ne dis pas cela, repondit le docteur; cependant, eu egard au
desordre du cerveau, a la brievete du souffle, a la precipitation
du pouls, a l'incandescence de la terrible fievre qui vous
devore...
-- Et qui m'a terrasse trois fois depuis ce matin, dit le frere.
-- Aussi l'appelai-je terrible. Mais comment n'etes-vous pas
demeure en route?
-- J'etais attendu ici, il fallait que j'arrivasse.
-- Dussiez-vous mourir?
-- Dusse-je mourir.
-- Eh bien! eu egard a tous ces symptomes, je vous dirai que la
situation est presque desesperee.
Le franciscain sourit d'une facon etrange.
-- Ce que vous me dites la est peut-etre assez pour ce qu'on doit
a un affilie, meme de la onzieme annee, mais pour ce qu'on me doit
a moi, maitre Grisart, c'est trop peu, et j'ai le droit d'exiger
davantage. Voyons, soyons encore plus vrai que cela, soyons franc,
comme s'il s'agissait de parler a Dieu. D'ailleurs, j'ai deja fait
appeler un confesseur.
-- Oh! j'espere cependant, balbutia le docteur.
-- Repondez, dit le malade en montrant avec un geste de dignite un
anneau d'or dont le chaton avait jusque-la ete tourne en dedans,
et qui portait grave le signe representatif de la Societe de
Jesus.
Grisart poussa une exclamation.
-- Le general! s'ecria-t-il.
-- Silence! dit le franciscain; vous comprenez qu'il s'agit d'etre
vrai.
-- Seigneur, seigneur, appelez le confesseur, murmura Grisart;
car, dans deux heures, au premier redoublement, vous serez pris du
delire, et vous passerez dans la crise.
-- A la bonne heure, dit le malade, dont les sourcils se
froncerent un moment; j'ai donc deux heures?
-- Oui, surtout si vous prenez la potion que je vais vous envoyer.
-- Et elle me donnera deux heures?
-- Deux heures.
-- Je la prendrai, fut-elle du poison, car ces deux heures sont
necessaires non seulement a moi, mais a la gloire de l'ordre.
-- Oh! qu
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