que de partir, ajouta-t-
il, vous voudrez bien prendre les commissions de Madame pour le
roi son frere."
-- Mon Dieu!murmura Louise toute nerveuse et toute pensive a la
fois.
-- Si vite! on vous ordonne de partir si vite? dit Montalais
paralysee par cet evenement etrange.
-- Pour bien obeir a ceux qu'on respecte, dit Raoul, il faut obeir
vite. Dix minutes apres l'ordre recu, j'etais pret. Madame,
prevenue, ecrit la lettre dont elle veut bien me faire l'honneur
de me charger. Pendant ce temps, sachant de Mlle de Tonnay-
Charente que vous deviez etre du cote des quinconces, j'y suis
venu, et je vous trouve toutes deux.
-- Et toutes deux assez souffrantes, comme vous voyez, dit
Montalais pour venir en aide a Louise, dont la physionomie
s'alterait visiblement.
-- Souffrantes! repeta Raoul en pressant avec une tendre curiosite
la main de Louise de La Valliere. Oh! en effet, votre main est
glacee.
-- Ce n'est rien.
-- Ce froid ne va pas jusqu'au coeur, n'est-ce pas, Louise?
demanda le jeune homme avec un doux sourire.
Louise releva vivement la tete, comme si cette question eut ete
inspiree par un soupcon et eut provoque un remords.
-- Oh! vous savez, dit-elle avec effort, que jamais mon coeur ne
sera froid pour un ami tel que vous, monsieur de Bragelonne.
-- Merci, Louise. Je connais et votre coeur et votre ame, et ce
n'est point au contact de la main, je le sais, que l'on juge une
tendresse comme la votre. Louise, vous savez combien je vous aime,
avec quelle confiance et quel abandon je vous ai donne ma vie;
vous me pardonnerez donc, n'est-ce pas, de vous parler un peu en
enfant?
-- Parlez, monsieur Raoul, dit Louise toute tremblante; je vous
ecoute.
-- Je ne puis m'eloigner de vous en emportant un tourment,
absurde, je le sais, mais qui cependant me dechire.
-- Vous eloignez-vous donc pour longtemps? demanda La Valliere
d'une voix oppressee, tandis que Montalais detournait la tete.
-- Non, et je ne serai probablement pas meme quinze jours absent.
La Valliere appuya une main sur son coeur, qui se brisait.
-- C'est etrange, poursuivit Raoul en regardant melancoliquement
la jeune fille; souvent je vous ai quittee pour aller en des
rencontres perilleuses, je partais joyeux alors, le coeur libre,
l'esprit tout enivre de joies a venir, de futures esperances, et
cependant alors il s'agissait pour moi d'affronter les balles des
Espagnols ou les dures hallebardes des Wallons. Aujourd'hui, je
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