issait pas assez pour ne pas regarder le roi, et elle
le vit devorer du regard Mlle de La Valliere.
Cette hardie fille d'honneur, que l'on nommait la Montalais, fit
baisser les yeux au roi, et sauva ainsi Louise de La Valliere d'un
feu sympathique qui lui fut peut-etre arrive par ce regard! Louis
etait pris par Madame, qui l'accablait de questions, et nulle
personne au monde ne savait questionner comme elle.
Mais lui cherchait a rendre la conversation generale, et pour y
reussir, il redoubla d'esprit et de galanterie.
Madame voulait des compliments; elle se resolut a en arracher a
tout prix, et, s'adressant au roi:
-- Sire, dit-elle, Votre Majeste, qui sait tout ce qui se passe en
son royaume, doit savoir d'avance les vers contes a M. Loret par
cette nymphe; Votre Majeste veut-elle bien nous en faire part?
-- Madame, repliqua le roi avec une grace parfaite, je n'ose... Il
est certain que, pour vous personnellement, il y aurait de la
confusion a ecouter certains details... Mais de Saint-Aignan conte
assez bien et retient parfaitement les vers; s'il ne les retient
pas, il en improvise. Je vous le certifie poete renforce.
De Saint-Aignan, mis en scene, fut contraint de se produire le
moins desavantageusement possible. Malheureusement pour Madame, il
ne songea qu'a ses affaires particulieres, c'est-a-dire qu'au lieu
de rendre a Madame les compliments dont elle se faisait fete, il
s'ingera de se prelasser un peu lui-meme dans sa bonne fortune.
Lancant donc un centieme coup d'oeil a la belle Athenais, qui
pratiquait tout au long sa theorie de la veille, c'est-a-dire qui
ne daignait pas regarder son adorateur:
-- Sire, dit-il, Votre Majeste me pardonnera sans doute d'avoir
trop peu retenu les vers dictes a Loret par la nymphe; mais ou le
roi n'a rien retenu, qu'eusse-je fait, moi chetif?
Madame accueillit avec peu de faveur cette defaite de courtisans.
-- Ah! madame, ajouta de Saint-Aignan, c'est qu'il ne s'agit plus
aujourd'hui de ce que disent les nymphes d'eau douce. En verite,
on serait tente de croire qu'il ne se fait plus rien d'interessant
dans les royaumes liquides. C'est sur terre, madame, que les
grands evenements arrivent. Ah! sur terre, madame, que de recits
pleins de...
-- Bon! fit Madame, et que se passe-t-il donc sur terre?
-- C'est aux dryades qu'il faut le demander, repliqua le comte;
les dryades habitent les bois, comme Votre Altesse Royale le sait.
-- Je sais meme qu'elles sont n
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