es appartements de l'hotel du Beau-Paon etaient
occupes et retenus par des etrangers sedentaires et d'un commerce
fort calme, porteurs de visages prevenants, dont aucun n'etait
connu de Malicorne.
Tous ces voyageurs etaient arrives a l'hotel depuis qu'il y etait
arrive lui-meme, chacun y etait entre avec une espece de mot
d'ordre qui avait d'abord preoccupe Malicorne; mais il s'etait
informe directement, et il avait su que l'hote donnait pour raison
de cette espece de surveillance que la ville, pleine comme elle
l'etait de riches seigneurs, devait l'etre aussi d'adroits et
d'ardents filous.
Il allait donc de la reputation d'une maison honnete comme celle
du Beau Paon de ne pas laisser voler les voyageurs.
Aussi, Malicorne se demandait-il parfois, lorsqu'il rentrait en
lui-meme et sondait sa position a l'hotel du Beau-Paon, comment on
l'avait laisse entrer dans cette hotellerie, tandis que, depuis
qu'il y etait entre, il avait vu refuser la porte a tant d'autres.
Il se demandait surtout comment Manicamp, qui, selon lui, devait
etre un seigneur en veneration a tout le monde, ayant voulu faire
manger son cheval au Beau-Paon, des son arrivee, cheval et
cavalier avaient ete econduits avec un _nescio vos[1]_ des plus
intraitables.
C'etait donc pour Malicorne un probleme que, du reste, occupe
comme il l'etait d'intrigue amoureuse et ambitieuse, il ne s'etait
point applique a approfondir. L'eut-il voulu que, malgre
l'intelligence que nous lui avons accordee, nous n'oserions dire
qu'il eut reussi.
Quelques mots prouveront au lecteur qu'il n'eut pas fallu moins
qu'Oedipe en personne pour resoudre une pareille enigme.
Depuis huit jours etaient entres dans cette hotellerie sept
voyageurs, tous arrives le lendemain du bienheureux jour ou
Malicorne avait jete son devolu sur le Beau-Paon.
Ces sept personnages, venus, avec un train raisonnable, etaient:
D'abord, un brigadier des armees allemandes, son secretaire, son
medecin, trois laquais, sept chevaux. Ce brigadier se nommait le
comte de Wostpur.
Un cardinal espagnol avec deux neveux, deux secretaires, un
officier de sa maison et douze chevaux. Ce cardinal se nommait Mgr
Herrebia.
Un riche negociant de Breme avec son laquais et deux chevaux. Ce
negociant se nommait _mein herr_ Bonstett.
Un senateur venitien avec sa femme et sa fille, toutes deux d'une
parfaite beaute. Ce senateur se nommait il _signor_ Marini.
Un laird d'Ecosse avec sept montagnards de
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