_la bonne intention_, je
me suis consolee et des injustices d'autrui, et de mes propres defauts.
Je viens maintenant vous prouver ma reconnaissance (mieux que par des
phrases, selon moi), en vous demandant une grace. C'est de lire le petit
volume que je vous envoie et dans lequel vous trouverez, la revelation
d'un prodigieux talent de poete. Si ce poete-macon de vingt ans vous
parait, au premier coup d'oeil, proceder un peu a la facon de Victor
Hugo, en faisant beaucoup d'arene ne jugez pas trop, vite et lisez tout.
Vous verrez, une piece intitulee _Meditation sur les toits_ qui est bien
ingenieuse et bien belle. Une autre, intitulee _l'Hiver aux riches_, qui
est forte de sentiments populaires. Et une appelee _le Forcat_, ou la
pitie est profonde sous l'expression de l'horreur et de l'effroi. Ce
vers:
Si son ame pour moi devenait expansive!
en dit _plus qu'il n'est gros_. Partout ailleurs, vous trouverez le
sentiment d'un amour vrai et noble. Et puis de la peinture abondante,
vigoureuse, souvent desordonnee a force d'etre chaude de tons.
Je suis sure que vous voudrez encourager un talent si bien trempe, si
sauvagement fort, et que vous en serez frappe comme je le suis. Bien que
je ne connaisse ni le poete ni personne qui s'interesse a lui, je veux
faire quelques efforts pour le faire connaitre et je commence par vous.
Si vous voulez en parler dans la _Phalange_ et dans les autres journaux
ou vous ecrivez, peut-etre vous ferez un acte de justice, et trouverez a
_lui_ donner de bons conseils afin qu'il comprenne ou doit etre l'_ame_
de son talent, et l'emploi de son genie.
Recevez encore l'expression, de ma gratitude bien sincere. Je sais que
ce n'est pas a ma _personnalite_ que je la dois; car il n'en est pas de
moins aimable et de moins attrayante. Mais je la dois a l'amour du vrai
et du juste, qui etablit entre nous des rapports plus certains et plus
solides que ceux du monde et des conversations.
Toute a vous.
G. SAND.
CCXIII
A MADEMOISELLE DE ROZIERES, A PARIS
Nohant, 9 mai 1842.
Mignonne,
Vite a l'ouvrage! Votre maitre, le grand Chopin, a oublie (ce a quoi
il tenait pourtant beaucoup) d'acheter un beau cadeau a Francoise, ma
fidele servante, qu'il adore, et il a bien raison.
Il vous prie donc de lui envoyer, _tout de suite_, quatre aunes de
dentelle haute de deux doigts au moins dans le prix de dix francs
l'aune; de plus, un chale de ce que vous v
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