e te reposer un jour ou deux avant d'aller
d'ici, avec le cabriolet, au-devant de ton _patron_. Tu savais bien
que tu n'avais guere qu'une quinzaine de jours devant toi quand tu as
entrepris ce voyage. Arrive donc de ton cote et fais provision d'ardeur
pour le travail.
Songe a ne pas te laisser accaparer trop longtemps. Tu ne fais rien, tu
t'habitues a ne rien faire, ce qui est pire. Donne pourtant a ton pere
le temps convenable et sois gentil avec lui. Montre-lui que je ne t'ai
pas si mal eleve.
Je suis toute triste de ton absence. On ne vit pas pour soi, et on
ne peut se passer de ceux qu'on aime. Personne cependant n'a plus de
courage que moi pour se _suffire_ comme on dit vulgairement. Mais se
suffire n'est que tuer le temps et tromper la tristesse. La maison est
bien grande sans toi, mon pauvre Bouli, et les soirees seraient bien
longues si je ne me plongeais dans les bouquins.
Je suis dans la franc-maconnerie jusqu'aux oreilles; je ne sors pas du
_Kadosh_, du _Rose-Croix_ et du _Sublime Ecossais_. Il va en resulter un
roman des plus mysterieux. Je t'attends pour retrouver les origines de
tout cela dans l'histoire d'Henri Martin, les templiers, etc.
Je recois une lettre anonyme d'un _Slave de la Moravie_ qui me remercie
des reflexions que ma _plume gracieuse seme par-ci, par-la_ sur
l'histoire de Boheme, et qui me promet la reconnaissance de la race
slave depuis _la mer Egee jusqu'a sa_ SOEUR _glaciale_. Tu pourras
donner ce nom a Solange quand elle ne sera pas sage.
Bonsoir! reviens, porte-toi bien. J'attends de tes nouvelles avec
impatience.
CCXXVI
A MADAME MARLIANI, A PARIS
Nohant, 13 juin 1843.
Chere amie,
Il est vrai que je ne vous ai pas ecrit depuis bien des jours. J'ai eu
d'horribles migraines et je n'ai rien donne a la _Revue_ pour le numero
du 10, ce qui vous prouve que j'ai laisse moisir mon encrier et que j'ai
ete tout a fait hors de combat. Cet affreux temps ne contribue pas peu a
m'accabler. Nous aussi, nous faisons du feu tous, les jours. Malgre ce
triste printemps, je ne peux pas dire qu'excepte vous et mes amis,
je regrette Paris, ou, pour mieux dire, que je regrette Paris pour
lui-meme. Rien que de voir courir les nuages, les arbres plier sous le
vent, et la pluie battre les vitres, je me sens a la campagne, je vois,
un grand horizon, je ne quitte pas ma robe de chambre de la journee,
je n'entends pas de sonnette dans mon antichambre, pe
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