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serieux, le plus serieux de ma vie, et non l'engouement equivoque d'une
petite dame pour son medecin ou son confesseur. Il y a donc encore de la
religion et de la foi en ce monde. Je le sens en mon coeur comme vous le
sentez dans le votre.
Maintenant reflechissez bien. Nous ne nous sommes parle que ce soir.
Les autres entrevues out ete consacrees a examiner les possibilites de
_l'affaire,_ et, si mes amis du Berry me confirment mes pouvoirs, il n'y
a pas de difficultes materielles a notre association.
Mais il y a les difficultes intellectuelles et morales qui peuvent
naitre de la _doctrine_, sans laquelle nous ne ferons rien d'utile et
de bon; il faut donc que nous soyons d'accord sur ce point que, vous
et moi, nous ne fassions qu'une tete et qu'une conscience. Je n'ai pas
d'amour-propre, je ne crois en aucune chose valoir et peser plus que
vous. Je ne voudrais jamais rien exiger. Je voudrais seulement qu'a nous
deux nous fissions la tierce juste et non la dissonante.
Devant l'excellent M. de Pompery, je n'aurais pas ose vous parler du
fond de ma croyance. Il discute trop, la discussion me fatigue, et
je trouve que c'est du temps perdu, quand on n'a pas quelque but a
poursuivre ensemble. Seule, je ne me suis pas senti l'_autorite_ de vous
dire que je crois plus a l'eau de la source ou j'ai puise ma vie qu'a
celle ou vous avez puise de votre cote. J'ai voulu que vous vissiez ma
loi vivante, et je l'avais prie d'etre bien net avec vous, parce qu'une
heure de cette parole claire et pleine vous montre mieux mon etre que ce
que je ne saurais dire moi-meme. Ce n'est donc pas un interrogatoire ou
un examen auquel on vous a soumis: c'est un livre qu'on a ouvert devant
vous, afin que vous sachiez bien ce qui est la, et que, s'il vous
repugne d'y etudier la _vita nuova_, vous puissiez reprendre votre
liberte d'examen et refuser de vous associer a notre genre d'utopie.
Voyez bien, tatez-vous. De mon caractere dans les relations de la vie,
vous n'aurez jamais a vous plaindre; mais, de ma maniere de comprendre
l'action sociale, il est possible que vous ne puissiez plus vous
accommoder. Vous n'avez pas bien lu Leroux, vous n'avez pas lu les
dernieres pages de la _Comtesse de Rudolstadt_, autrement vous n'auriez
pas ete etonne d'entendre ce que vous avez entendu ce soir. I1 ne faut
pas que vous partiez pour un monde inconnu, sans vous y sentir appele
par les instincts du coeur et de l'intelligence Repensez-y et ne faites
ce
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