z qu'il
faut plus de courage aux ames genereuses pour vous dire la verite
maintenant, qu'il ne leur en eut fallu si vous eussiez triomphe. C'est
notre habitude, a nous, de braver les puissants, et cela ne nous coute
guere, quel que soit le danger.
Mais, devant un guerrier captif et un heros desarme, nous ne sommes pas
braves. Sachez-nous donc quelque gre de nous defendre des seductions
que votre caractere, votre intelligence et votre situation exercent
sur nous, pour oser vous dire que jamais nous ne reconnaitrons d'autre
souverain que le peuple. Cette souverainete nous parait incompatible
avec celle d'un homme; aucun miracle, aucune personnification du genie
populaire dans un seul, ne nous prouvera le droit d'un seul.--Mais vous
savez cela maintenant et peut-etre le saviez-vous quand vous marchiez
vers nous.
Ce que vous ne saviez pas, sans doute, c'est que les hommes sont
mefiants et que la purete de vos intentions eut ete fatalement meconnue.
Vous ne vous seriez pas assis au milieu de nous sans avoir a nous
combattre et a nous reduire. Telle est la force des lois providentielles
qui poussent la France a son but, que vous n'aviez pas mission, vous,
homme d'elite, de nous tirer des mains d'un homme vulgaire, pour ne rien
dire de pis.
Helas! vous devez souffrir de cette pensee, autant que l'on souffre de
l'envisager et de la dire; car vous meritiez de naitre en des jours ou
vos rares qualites eussent pu faire notre bonheur et votre gloire.
Mais il est une autre gloire que celle de l'epee, une autre puissance
que celle du commandement; vous le sentez, maintenant que le malheur
vous a rendu toute votre grandeur naturelle, et vous aspirez, dit-on, a
n'etre qu'un citoyen francais.
C'est un assez grand role pour qui sait le comprendre. Vos
preoccupations et vos ecrits prouvent que nous aurions eh vous un grand
citoyen, si les ressentiments de la lutte pouvaient s'eteindre et si le
regne de la liberte venait un jour guerir les ombrageuses defiances des
hommes. Vous voyez comme les lois de la guerre sont encore farouches
et implacables, vous qui les avez courageusement affrontees et qui les
subissez plus courageusement encore. Elles nous paraissent plus odieuses
que jamais quand nous voyons un homme tel que vous en etre la victime.
Ce n'est donc pas le nom terrible et magnifique que vous portez qui nous
eut seduit. Nous avons a la fois diminue et grandi depuis les jours
d'ivresse sublime qu'il nous a donnes: son regn
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