e vous en remercier. Elle vous recommande de
ne pas faire comme elle, et d'etre bien portante avant tout.
Adieu, chere; je vous embrasse tendrement, et je pars.
GEORGE.
CCLVIII
A LA MEME
Nohant, 6 mai 1847.
Chere amie,
Vous etes etonnee de mon silence, probablement. Moi, je suis etonnee
d'avoir encore la force de vous ecrire apres des fatigues d'esprit et
d'_yeux_ comme je viens d'en subir. Je ne puis vous dire que trois mots;
mais je veux vous les dire avant tout.
Solange se marie dans quinze jours avec Clesinger, sculpteur, homme
d'un grand talent, gagnant beaucoup d'argent, et pouvant lui donner
l'existence brillante qui est, je crois, dans ses gouts. Il en est tres
violemment epris, et il lui plait beaucoup. Elle a ete aussi prompte et
aussi ferme, cette fois, dans sa determination qu'elle etait jusqu'a
present capricieuse et irresolue. Apparemment elle a rencontre ce
qu'elle revait. Dieu le veuille!
Pour mon compte, ce garcon me plait beaucoup aussi, de meme qu'a
Maurice. Il est peu _civilise_ au premier abord; mais il est plein
de feu sacre, et il y a deja quelque temps que, le voyant venir, je
l'etudie sans en avoir l'air. Je le connais donc autant qu'on peut
connaitre quelqu'un qui veut plaire. Vous me direz que ce n'est pas
toujours suffisant, c'est vrai. Mais ce qui me donne confiance, c'est
que la principale face de son caractere, c'est une sincerite qui va
jusqu'a la brusquerie. Il pecherait donc par exces de naivete, plus que
par toute autre chose, et il a encore d'autres qualites qui racheteront
tous les defauts qu'il _peut_ et _doit_ avoir. Il est laborieux,
courageux, actif, decide, perseverant. C'est quelque chose que la force,
et il en a beaucoup, au physique comme au moral. Je me suis trouvee
amenee par une circonstance fortuite, a faire sur son compte une
veritable _enquete_, telle qu'un procureur du roi l'eut faite pour un
accuse de cour d'assises.
Quelqu'un m'avait dit de lui tout le mal qu'on peut dire d'un homme. Je
ne savais pas encore alors qu'il songeat a ma fille; mais il faisait nos
bustes. Il voulait les faire en marbre, gratis, et il ne me convenait
pas d'etre comblee de pareils presents par un homme dont on me disait
_pis que pendre_. Et puis je voulais savoir si la personne qui le
traitait de la sorte etait une bonne ou une mauvaise langue. Quelques
explications, auxquelles je n'attachais pas d'abord toute l'importance
qu'elle
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