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en francais et s'entend ou se devine meme a Paris, ou le peuple parle la
plus laide et la plus incorrecte langue de France, parce que c'est
une langue toute de fantaisie, de hasard et de rapides creations
successives, tandis que les provinces conservent la tradition du langage
et creent peu de mots nouveaux. J'ai un grand respect et un grand amour
pour le langage des paysans, je l'estime plus correct.
CCLXII
A M. CHARLES PONCY, A TOULON
Nohant, 9 aout 1847.
Maintenant, mes enfants, je ne vous marquerai plus d'epoque ni de jour
pour venir. Cela nous a toujours porte malheur, et, quand vous pourrez
venir, vous suivrez l'inspiration du moment, c'est-a-dire vous
profiterez du concours de circonstances qui vous paraitra le plus
favorable: temperature, liberte d'autres soins, sante, repos d'esprit,
envie meme de voyager; car il faut tout cela pour qu'un voyage ne soit
pas quelque chose de solennel et meme d'un peu effrayant. A vous dire
vrai, je suis tellement consternee du guignon qui s'est attache a vous,
dans toutes ces circonstances, que je n'oserai plus jamais vous dire:
"Venez, je vous attends." Je n'etais pas superstitieuse pourtant, et je
le suis devenue a force de malheur depuis deux ans. Tous les chagrins
m'ont accablee par un enchainement fatal; mes plus pures intentions
ont eu des resultats funestes pour moi et pour ceux que j'aime; mes
meilleures actions ont ete blamees par les hommes et chatiees par le
ciel comme des crimes. Et croyez-vous que je sois au bout? Non! tout
ce que je vous ai raconte jusqu'ici n'est rien, et, depuis ma derniere
lettre, j'ai epuise tout ce que le calice de la vie a de desesperant.
C'est meme si amer et si inoui, que je ne puis en parler, du moins je
ne puis l'ecrire. Cela meme me ferait trop de mal. Je vous en dirai
quelques mots quand je vous verrai. Mais, si je ne reprends courage et
sante jusque-la, vous me trouverez bien vieillie, malade, triste et
comme abrutie. Voila aussi, mon enfant, pourquoi je n'ose pas appeler
Desiree avec l'ardeur que j'y aurais mise avant tous mes chagrins. Je
crains que cette chere enfant ne me trouve toute differente de ce que
vous lui avez dit de moi, et que le spectacle de mon abattement ne la
froisse et ne la consterne. J'etais, quand vous m'avez vue, dans un etat
de serenite, a la suite de grandes lassitudes. J'esperais du moins,
pour la vieillesse ou j'entrais, la recompense de grands sacrifices, de
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