emplaires.
De mon cote, je parlerai a tous mes amis, comme je l'ai deja fait. Mais
tous mes amis forment une bien petite et bien obscure phalange.
Je pars pour la campagne (la Chatre), ou je passerai quelques mois; vous
pourrez m'y adresser les exemplaires que je vous demande, et j'espere
bien que vous m'ecrirez en meme temps un petit mot d'amitie. Tout a vous
de coeur.
GEORGE SAND.
CCLVI
A M. MARLIANI, SENATEUR, A MADRID
Paris, mai 1846.
Cher Manoel,
Bien que traduit en francais et lu au coin du feu votre discours est
encore tres beau et tres excellent. Je ne m'etonne donc pas de l'effet
qu'il a produit sur le Senat. Avec tant de presence d'esprit, de science
des faits, de memoire et d'habilete, vous devez apporter a vos hommes
d'Etat de l'Espagne une bonne dose d'enseignement, et ils le sentent. En
outre, vous avez en vous une grande puissance que vous developperez de
plus en plus. C'est un fonds de principes et de convictions logiquement
acceptees, en dessous de ce talent du moment que vous caracterisez a la
fin de votre discours par le mot d'_opportunite_.
La plupart des hommes ont l'un ou l'autre. Vous avez des deux, c'est une
grande force. Vous sentez vivement dans les profondeurs de votre ame cet
ideal politique qui n'est pas pure poesie, quoi qu'on en dise, puisque
c'est tout simplement une vue anticipee de ce qui sera, par le sentiment
chaleureux et lucide de ce qui doit etre. Vous etes penetre de cet ideal
et de cette _poesie_, quand vous faites la parfaite distinction de la
politique et de la diplomatie qui conviennent aux nations, d'avec la
politique et la diplomatie que pratiquent les rois dynastiques.
Il y avait longtemps que j'attendais dans le monde parlementaire la
manifestation de cette idee si vraie, qui n'etait pourtant pas encore
eclose a aucune tribune de l'Europe. Si j'avais ete chargee d'ecrire
sur l'Espagne dans notre _Revue_ et sur l'equipee impertinente de
M. _Narcisse_ Salvandy, je n'aurais pas dit autrement que vous, et
peut-etre exactement de meme, quoique nous ne nous fussions pas donne
le mot d'avance. Vous avez ete courageux et vraiment dans la grande
politique sociale en disant de telles choses dans une assemblee
nationale. Si la France etait moins courbee, moins douloureusement
affaissee sous ses maux du moment, la presse liberale entiere se fut
emparee de votre discours comme d'un monument. Mais elle y reviendra
plus tard, j
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