s, les
embuches de tes eternels oppresseurs!
Maintenant, je demande la publication de ma lettre, c'est pour dejouer
autant qu'il est en moi cette miserable ruse de nos ennemis. Le public
jugera en voyant le respect dont mon coeur est rempli pour le fond de
notre cause commune, et pour ceux qui la defendent meme en se trompant,
si l'esprit d'hostilite est en moi et si la discorde est reellement
entre nous.
Agreez, messieurs, l'expression de mes sentiments affectueux.
GEORGE SAND.
CCLV
A M. MAGU, A LIZY-SUR-OURCQ (SEINE-ET-MARNE).
Paris, avril 1846.
Mon cher monsieur Magu,
Je me suis adressee pour vos exemplaires a trois editeurs, les seuls que
je connaisse. Le premier, riche et avide, n'a pas voulu se charger d'une
affaire ou il voyait peu a gagner. Le second, honnete mais pas genereux,
a craint d'y perdre. Le troisieme, genereux mais gueux, n'a pas le sou a
debourser. Je ne sais plus a quelle porte frapper.
J'avais l'intention de ne prendre pour moi et mes amis qu'une douzaine
d'exemplaires. Je me suis souvenue de ce que vous m'avez dit de Delloye,
et, voulant que ce petit profit entrat dans votre poche et non dans la
sienne, je vous prie de me dire ou je dois m'adresser pour avoir et
rembourser ces exemplaires. Combien je suis chagrine d'avoir plus de
dettes que de comptant! Vous n'attendriez pas longtemps l'avance de
cette petite somme qui vous manque pour etre tranquille et satisfait!
Mais, depuis dix ans, je travaille en vain a me remettre au point
ou j'etais lorsqu'il me fallut reparer le desordre des affaires que
d'autres me mirent sur les bras, et payer les dettes qu'ils avaient
faites. Avant cette epoque, j'avais toujours de quoi prelever une forte
part de mon travail pour obliger mes amis, ou rendre des services bien
places. Aujourd'hui, je suis accusee de negligence ou d'indifference,
non par mes amis, qui connaissent bien ma position, mais par des
personnes qui s'adressent a moi, et qui s'etonnent de voir mon ancien
devouement paralyse par la force des choses.
Je souffre beaucoup de cette position, non pas a cause de ce qu'on
peut dire et penser de moi: il y a longtemps que j'ai mis le mauvais
amour-propre de cote, sachant qu'il etait l'ennemi de la bonne
conscience. Mais voir des souffrances, des inquietudes et des maux de
toute sorte en si grand nombre, et n'y pouvoir apporter qu'un sterile
interet, est un plus grand chagrin, plus que toute l'inju
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