tte campagne qu'avec le sentiment qu'elle est bonne et utile; car il y
a des politiques et des socialistes _dits pratiques_ qui jugent Leroux
un reveur dangereux, et moi une franche bete de croire en lui, tandis
qu'en entrant dans la realite, dans les _moyens_, j'aurais plus d'argent
de mes editeurs et plus de louanges dans les journaux.
_Nous voila!_ Vous nous connaissez un peu mieux; ecrivez-moi quand vous
aurez fait votre examen de conscience et fixe votre jugement sur nous.
Tout a vous.
G. SAND.
CCXXXVI
A. M. CHARLES DUVERNET, A LA CHATRE
Paris, 16 fevrier 1844.
Je crois que je vous ai trouve un redacteur! Encore trois jours pendant
lesquels je veux le voir, l'examiner, l'interroger, et toutes les
conditions de bon vouloir, de talent et de noble caractere se
trouveraient remplies, si tout ce qu'on me dit, et tout ce que je lis de
lui n'est pas dementi par son langage et sa tenue. Je vous ecrirai en
detail sur son compte, aussitot que l'epreuve sera faite.
L'idee de Delatouche doit nous inspirer beaucoup de reconnaissance.
Mais, entre nous, vous ne devez y acquiescer qu'en desespoir de cause.
Fleury, decourage et decourageant, s'en va tout penaud. Mais je vous
dis, moi, qu'il n'y a point lieu a tout ce decouragement. Le monde est
triste, mais l'humanite n'est pas perdue.
Si Delatouche et moi faisons le journal ici, il y aura plus de succes et
d'abonnes a Paris qu'en Berry. Le Berry sera peut-etre le pretexte, le
cadre et le _moyen_ de faire une tres jolie feuille d'opposition. Mais
est-ce la le but? S'agit-il d'avoir du succes pour Delatouche et moi, ou
s'agit-il de moraliser et d'eclairer notre province? J'aurais compris
que nous commencassions le journal, lui et moi, en attendant un
redacteur, pour lancer le brulot et peloter en attendant partie. Mais le
fonder de la sorte irrevocablement me parait une espece d'apostasie. Je
ferai a cet egard tout ce que vous voudrez; mais je crois que vous
serez de mon avis. Desesperer de trouver un redacteur est un veritable
enfantillage. On m'en propose trois ce soir. Mais j'espere que je tiens
le bon, et, si je me trompe, je continuerai mes recherches et mes
epreuves.
Ne decouragez et n'effrayez donc personne. Ne dites pas _non_ a
Delatouche. Hesitez, pretextez la difficulte de reunir tout d'un coup la
majorite des votes. Mais laissez-moi agir dans mon sens et dans celui
de notre premier mouvement, qui etait le meilleu
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