en dans votre maniere de sentir et de travailler.
Il y a eu un temps ou mon idee sur la _Chanson de tous les metiers_
etait si nette et si vive, que, si j'avais su faire des vers, je
l'aurais realisee sous le feu de l'inspiration. Depuis, je l'ai souvent
expliquee en courant et fait comprendre a des gens qui ne savaient pas
ou qui ne voulaient pas s'en servir. Maintenant, elle s'est beaucoup
effacee, surtout devant la crainte de vous indiquer une voie qui ne
serait pas la votre et qui vous menerait de travers. Et puis, je peux
de moins en moins m'exprimer dans des lettres. J'ai tant de travail,
d'ailleurs, que je ne puis ecrire a mes amis que les jours ou la maladie
m'empeche d'ecrire pour mon compte. Aussi je leur ecris toujours fort
obscurement et dans une grande defaillance d'esprit.
Dites a Desiree mille tendres benedictions de ma part, pour elle et pour
sa Solange, et de la part de ma Solange aussi. Mon fils est a Paris.
Vos vers sur la _verite_ et sur la _realite_ me semblent tres beaux,
tres touchants et tres bien faits, sauf deux ou trois. L'idee est bien
soutenue, sauf deux ou trois strophes ou elle languit et devient un pen
vague. Mais elle se releve bien et la fin est tres belle. Courage!
CCXLIII
A M. LEROY PREFET DE L'INDRE
Nohant, ce 24 novembre 1844,
Monsieur le prefet,
Je vous dois des remerciements pour l'obligeance que vous m'avez
temoignee tout en vous occupant charitablement de Fanchette[1]. La bonne
volonte que vous voulez bien m'exprimer a cette occasion me trouve
reconnaissante, et je ne craindrai pas de m'adresser a vous lorsque
j'aurai a solliciter votre appui pour quelque malheureux.
Mais vos genereuses offres a cet egard sont accompagnees de quelques
reflexions auxquelles il m'est impossible de ne pas repondre, et, bien
que la lettre dont mon ami M. Rollinat m'a donne communication ne me
soit pas adressee, je crois plus sincere et plus poli d'y repondre
directement que d'en charger un tiers, quelle que soit l'intimite qui me
lie a M. Rollinat.
Vous accusez l'_Eclaireur_, que je ne dirige pas, que je n'influence
pas davantage, mais auquel je prete mon concours, de mensonge et de
grossierete envers vous. Je ne suis pas chargee de defendre mes amis
aupres de vous, je ne veux les desavouer en rien; mais ne suis pas
solidaire de leurs actes et de leurs ecrits. J'ai fait mes reserves a
cet egard, et j'ai du ce respect a leur independance; mai
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