s, si vous
desirez savoir mon opinion sur la polemique _personnelle_ en politique,
je suis prete a vous le dire, et vous crois digne qu'on vous parle
franchement.
Je ne m'occupe point de cette polemique, mes gouts et surtout mon sexe
m'en detournent. Une femme qui s'attaquerait a des hommes dans des vues
de ressentiment et d'antipathie serait peu brave.
Les hommes ont pour derniere ressource, quand ils se croient outrages,
d'autres armes que la plume, et, comme je ne veux pas me battre en duel,
je ne me servirai jamais de la faculte d'exprimer mes sentiments que
pour des causes generales ou pour la defense de quelque malheur. Mes
griefs particuliers ne m'ont jamais fait publier une ligne contre qui
que ce soit, et je ne suis pas d'humeur a changer de systeme. Quelques
autres considerations qui tiennent a mon experience m'eloignent encore
de la polemique de parti. Je trouve que l'esprit du gouvernement est
odieux et lache a l'egard de la presse independante; mais, avant de
condamner les mandataires du pouvoir, je voudrais etre mieux renseignee,
sur la maniere dont ils obeissent a leur consigne, que je ne l'ai
ete dans l'affaire de l'_Eclaireur_. Selon ma maniere de voir, un
fonctionnaire dans votre position ne devrait pas etre personnellement
mis en cause, a moins qu'il n'eut outrepasse son mandat, comme l'a fait,
a ce qu'il me semble, mon neveu M. de Villeneuve prefet d'Orleans. Je
plains les administrateurs en general plus que je ne les condamne, et
voici pourquoi:
Je suis certaine qu'ils n'obeissent qu'avec regret et repugnance a
plusieurs de leurs attributions secretes, et qu'ils rougiraient de se
faire hommes de parti de leur propre impulsion. Mais les gouvernements
s'efforcent sans cesse d'avilir la dignite et l'integrite de leur
magistrature, en les faisant complices de leurs passions. C'est par la
qu'ils leurs otent la confiance et les sympathies de leur administres.
C'est un grand crime et une lourde faute dans laquelle tombent tous les
gouvernements absolus de fait ou d'intention. Le gouvernement est donc
le coupable, lachement cache derriere vous. Le devoir de votre position
est de nier ses torts et d'en assumer la responsabilite. Triste
necessite que vous ne pouvez pas m'avouer, monsieur; mais, moi, je sais
ce dont je parle et c'est le secret de ma tolerance envers les hommes
publics.
Si mes amis de l'_Eclaireur_ ont ete moins calmes, vous ne devez pas
vous en etonner beaucoup et vous n'avez guere le
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