rsonne ne me fait
_compliment de mes ouvrages;_ enfin, j'oublie entierement que je suis
_madame Sand_, et le peu de gens que je vois ne l'ont, je crois, jamais
su. Cela compense bien la pluie.
Mais ce qui n'a pas de compensation, c'est votre eloignement, et, pour
surcroit dans ce moment-ci, celui de Maurice, dont je ne suis guere
habituee a me passer. Je m'absorbe dans la lecture et j'arrive a oublier
ou je suis, a me persuader que je vais entendre Enrico sonner la cloche
et que le diner va nous reunir. Je vois en reve la culotte a carreaux
et le paletot crasseux du matin, de cet aimable etre. J'entends mon bon
Gaston faire la trompette avec son nez pendant que vous allongez le bout
des doigts en criant: _Polvo!_ Je ne me console, lorsque j'apercois mon
erreur, qu'en pensant que la M*** et le P*** sont peut-etre la aupres
de vous; et que, si j'y etais, l'une se croirait obligee de me parler
litterature et l'autre philosophie transcendante.
Enfin, vous viendrez a Nohant avec Manoel, Gaston Rico, et alors, comme
nous n'aurons ni philosophailleurs ni romancaillieres, rien ne nous
empechera de mener une vie de cocagne.
Qu'est-ce que c'est que ces troubles d'Espagne? Est-ce quelque chose ou
n'est-ce rien comme le plus souvent? Vous n'etes pas inquiete, j'espere
et vous esperez toujours Manoel. Embrassez-le pour moi quinze fois au
moins quand vous lui ecrirez.
Parlez-moi de notre cher Leroux et parlez-lui de moi. Dites-lui
de m'envoyer des livres, s'il peut en trouver encore sur la
franc-maconnerie. J'y suis plongee jusqu'aux oreilles. Dites-lui aussi
qu'il m'a jetee la dans un abime de folies et d'incertitudes, mais que
j'y barbote avec courage, sauf a n'en tirer que des betises. Dites-lui,
enfin, que je l'aime toujours, comme les devotes aiment leur _doux
Jesus_.
Bonsoir, chere. J'attends Maurice et mon frere dans quinze jours. Je
n'ai pas de nouvelles de Papet. Dites a Petetin de se bien porter et
de songer a venir nous voir. Je vais ecrire a Delacroix. Soignez-vous,
accourez sitot qu'il fera beau, cela ne peut plus tarder.
CCXXVII
A M. LE COMTE JAUBERT[1],
DEPUTE DU CHER A BOURGES
Nohant, juillet 1843.
Je vous remercie beaucoup, monsieur, de l'aimable envoi du vocabulaire
berrichon, et je vous sais gre surtout d'avoir fait ce travail
interessant et sympathique. Il y avait bien longtemps que je projetais
une grammaire, une syntaxe, et un dictionnaire de notre idiom
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