verrons fonctionner, je crois, la semaine prochaine. Si vous pouvez
vous procurer la _Revue independante_, vous y verrez, au numero du 25
janvier dernier, un bel article de Leroux sur cette invention.
Dites-moi, mon cher enfant, si vous connaissez tous les ecrits
philosophiques de Pierre Leroux? Sinon, dites-moi si vous vous sentez la
force d'attention pour les lire. Vous etes jeune et poete. Je les ai lus
et compris sans fatigue, moi qui suis femme et romancier. C'est dire que
je n'ai pas une bien forte tete pour ces matieres.
Pourtant, comme c'est la seule philosophie qui soit claire comme le jour
et qui parle au coeur comme l'Evangile, je m'y suis plongee et je m'y
suis transformee; j'y ai trouve le calme, la force, la foi, l'esperance
et l'amour patient et perseverant de l'humanite: tresors de mon enfance,
que j'avais reves dans le catholicisme, mais qui avaient ete detruits
par l'examen du catholicisme, par l'insuffisance d'un culte vieilli,
par le doute et le chagrin qui devorent, dans notre temps, ceux que
l'egoisme et le bien-etre n'ont pas abrutis ou fausses. Il vous faudrait
peut-etre un an, peut-etre deux, pour vous penetrer de cette philosophie
qui n'est pas bizarre et algebrique comme les travaux de Fourier, et qui
adopte et reconnait tout ce qui est vrai, bon et beau dans toutes les
morales et sciences du passe et du present.
Ces travaux de Leroux ne sont pas volumineux; quand on les a lus, on
a besoin de les porter en soi, d'interroger son propre coeur sur
l'adhesion qu'il y donne; enfin, c'est toute une religion, a la fois
ancienne et nouvelle, dont on a besoin de se penetrer et qu'il faut
couver avec tendresse. Bien peu de coeurs s'y sont rendus completement;
il faut etre foncierement bon et sincere pour que la verite ne vous
offense pas. Enfin, si vous vous sentez cette volonte de comprendre
l'humanite et vous-meme, vous aurez une tete affermie, de la certitude,
et le feu de votre poesie s'y rallumera tout entier. Vous en ferez
verbalement l'explication et l'abrege a Desiree, et vous verrez que son
coeur de femme s'y plongera. Je dois vous dire cependant que ce sont des
travaux incomplets, interrompus, fragmentes. La vie de Leroux a ete trop
agitee, trop malheureuse, pour qu'il put encore se completer. C'est la
ce que ses adversaires lui reprochent. Mais une philosophie, c'est une
religion, et une religion peut-elle eclore comme un roman ou comme un
sonnet dans la tete d'un homme?
Les grands poe
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