peu de ces gens-la ici. Il y en a de moins en moins
tous les jours. Si vous voyiez cette vie affairee, materielle et avide
d'argent ou de grossiers plaisirs, vous en seriez consterne.
Mais revenons a l'avis de Beranger. Il dit que, si vous vous faisiez
imprimer en province, les frais seraient moindres de moitie et
les placements plus faciles, l'ouvrage etant sous la main et vos
souscriptions sur place. Vous pourriez, si l'impression etait executee
proprement (car, ici, c'est une consideration pour les libraires),
nous en envoyer un certain nombre qu'on ferait prendre a un editeur en
tachant qu'il vous volat le moins possible. Pierrotin ne vous volerait
pas du tout; mais il fera difficulte de se charger d'une petite affaire,
lui qui, en ayant fait de tres grandes avec un assez beau succes, n'aime
plus aujourd'hui que les entreprises a nombreuses livraisons suivies.
Nous verrions bien pour cela.
En attendant, dites-moi si cette publication chez vous offre les
meilleures chances que Beranger croit y voir. Les depenses qu'on vous a
fait faire pour votre premier volume me paraissent exorbitantes, et, si
on les reduisait de moitie, vos profits seraient doubles. Je pense que
vous trouverez facilement un editeur qui ferait les frais, a charge de
se rembourser avec des benefices modestes sur la vente; ou plutot un
imprimeur libraire; car je ne sais s'il y a des imprimeurs proprement
dits en province. De plus, j'enverrais ma preface a lui, tout comme a
un editeur de Paris. Je ne sais pas pourquoi vous ne retireriez pas de
cette production tout le benefice possible. Vous allez etre pere et un
peu d'argent ne vous sera pas de trop.
J'ecrirais dans deux ou trois villes du Nord et du Centre, ou je ferais
prendre quelques douzaines d'exemplaires a des amis qui pourraient les
repandre ou les placer chez des libraires. De votre cote, vous devez
pouvoir le faire aussi. Repondez donc a tout cela. Enfin, en dernier
cas, si nous attendions un ou deux mois, je suis presque sure d'un
nouveau procede d'imprimerie que M. Pierre Leroux a decouvert et qu'il
va mettre en pratique, au moyen duquel nous aurions des livres imprimes
avec une economie merveilleuse de frais. Si nous en etions la, tout
irait de soi-meme, sans que vous eussiez a vous occuper. Nous vous
imprimerions de nos propres mains; car nous ne pensons pas a moins que
simplifier l'imprimerie a ce point.
La machine est faite, notre grand inventeur prend ses brevets, et nous
la
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