tres que je sais et qui passeront le torrent en disant: "Je le
croyais plus furieux."
Bonsoir, ma bonne cherie. Mille tendresses a mon Gaston, et a vous mille
caresses de coeur. Ecrivez-moi.
[1] Pauline Viardot.
CCXV
A M. ANSELME PETETIN, A PARIS
Nohant, 30 mai 1842.
Cher Gengiskan,
Si vous etes fache contre moi, vous avez tort, je le pense. Je ne suis
pas curieuse, ni desoeuvree, ni taquine, quoi que vous en disiez. C'est
vous qui etes taquin: si vous voulez avoir bonne memoire, vous vous
rappellerez que c'est toujours vous qui m'avez attaquee, tantot sur ma
durete de coeur a propos de bottes, tantot sur mon egoisme a propos de
rien. Je ne me suis jamais defendue.
Il m'est absolument indifferent d'etre jugee froide. A l'age que j'ai,
ce n'est pas d'un mauvais gout, et mon amour-propre, sur ces choses-la,
est peut-etre plus accommodant que le votre; car vous m'avez dit,
souvent des choses assez brutales a brule-pourpoint et je ne m'en suis
jamais fachee. Je vous voyais les nerfs irrites et j'aimais mieux vous
juger malade que _mauvais chien_.
Peut-etre aviez-vous des intentions hostiles en jetant toutes ces
pierres dans mon jardin. Je ne le croyais pas et je vous repondais sans
humeur; je le pense un peu a present, en voyant que vous avez ete blesse
de reponses fort peu feroces selon moi, et qui convenaient plus a vos
declamations contre la Providence et la race humaine que de longues,
apres et inutiles discussions: vous vouliez peut-etre les soulever entre
nous; car vous attaquiez sans cesse les points les plus sensibles et
les plus sacres de nos croyances, sans charite aucune, et, peut-etre
pourrais-je dire, sans le moindre egard pour moi.
Je faillis une ou deux fois m'y laisser prendre. Mais je me suis
arretee, en voyant que vous n'etiez pas l'homme de vos theories et que
votre coeur donnait un continuel dementi a vos blasphemes. De la part
d'un mechant, elles ne m'eussent pas laissee aussi calme; ou bien c'eut
ete le calme du mepris. Mais je me suis souvenue du noble et malheureux
Alceste, et je vous ai simplement dit que vous etiez malade, en d'autres
termes, misanthrope.
C'est donc bien offensant? je ne le savais pas. Je me croyais autorisee
a faire cette reflexion par l'espece de dedain avec lequel vous debitiez
vos heresies a deux doigts de mon nez. J'ai eu la betise de croire
que c'etait de l'abandon de votre part; mais ce n'etait pas chez vous
a
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