nge et leur inferieur. Car ce n'est pas
seulement l'art d'arranger les mots qui fait un grand poete: c'est la
l'accessoire, c'est la l'effet d'une cause.--La cause doit etre un
grand sentiment, un amour immense et serieux de la vertu, de toutes les
vertus; une moralite a toute epreuve, enfin une superiorite d'ame et
de principes qui s'exhale dans ses vers a chaque trait, et qui fasse
pardonner a l'inexperience de l'artiste, en faveur de la vraie grandeur
de l'individu. Il me semble que vous eparpillez parfois votre ame, ou du
moins votre muse a tous les vents. Dans votre premier volume, vous aviez
exprime l'amour d'une maniere si chaste et si touchante! on voyait
Desiree, la jeune et honnete fille du peuple, la vierge; de votre choix!
Je vous en prie, supprimez _Juana_ du prochain volume, et, si vous
conservez ces vers:
.... J'aime toutes les femmes,
Parce que le Poete aime toutes les fleurs.
n'en faites pas du moins la devise de votre vie; parce qu'il vous
arriverait bientot, de n'aimer plus aucune femme et de ne plus sentir le
parfum des fleurs.
Vous n'en etes point la, Dieu merci! vous aimez Desiree, vous la chantez
encore, chantez-la toujours, et n'en chantez pas d'autres, maintenant
qu'elle est a vous. On voit que vous l'aimez veritablement; car les vers
que vous mettez dans sa bouche sont les plus charmants de votre dernier
envoi; au lieu que dans ceux que vous m'avez envoyes sur une belle
Espagnole, il y avait de l'affectation, des efforts, et point de feu
veritable. Enfin, voulez-vous etre un vrai poete, soyez un saint! et,
quand votre coeur sera sanctifie, vous verrez comme votre cerveau vous
inspirera.
Je suis tres contente de l'envoi que vous me faites par M. Paul Gaymard.
Presque tout est bon, et il y a des choses vraiment belles.
Votre _Sonnet_ est bien fait; votre _Enfant endormi_, votre _Bouquet de
violettes_, etc., etc., sont de charmantes choses. Dans la lettre de
Beranger a M. Ortolan, dont vous m'envoyez la copie, je vois bien qu'il
est de mon avis, et qu'il ne voudrait pas que vous publiassiez un second
volume, avant qu'un progres remarquable se fut accompli en vous. Je veux
demander a Beranger une entrevue dont vous serez le seul objet, et lui
montrer votre nouveau recueil, afin qu'il m'aide a savoir si vous etes
dans cette bonne veine de progres. Je n'ose m'en remettre a moi-meme. Je
ne fais pas de vers et crains d'etre, quant a la forme, un mauvais juge.
Il me fixera a cet egard, et
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