nvoque, pour oser, sans etre
connue de vous, vous confier un secret et vous demander une grace.
Monseigneur, il y a, dans une commune de campagne, un desservant tres
orthodoxe, nullement partisan de mes dissidences avec la lettre des lois
de l'Eglise, et avec lequel, par consequent, je ne suis pas intimement
liee. Je respecte trop la sincerite et la fermete de sa foi pour
chercher a l'ebranler par de vaines discussions, et sa foi me parait
bonne et bien entendue, puisqu'elle ne produit que de bonnes et nobles
actions. Les services et les soins a rendre aux paysans malades ou
indigents me sont imposes par un peu d'aisance et par mon sejour au
milieu d'eux. C'est ainsi que j'ai ete a meme d'apprecier la conduite
pure et respectable de ce vertueux pretre, et, le voyant beni de tous,
me trouvant parfois en relations avec lui pour aviser au soulagement de
certaines souffrances et miseres, je puis attester que c'est la un homme
irreprochable aux yeux de toutes les opinions.
Ces jours derniers, l'ayant rencontre dans une chaumiere et revenant par
le meme chemin que lui, je remarquai qu'il etait fort triste et abattu,
et, l'ayant presse de questions, j'obtins la confidence que je vais
faire a Votre Grandeur. C'est un secret qui m'a ete confie, et je ne le
confierai jamais qu'a Elle, c'est lui dire que je compte absolument sur
son honneur et sur sa religion pour ne point chercher a connaitre le nom
du pretre dont il s'agit; car la demarche que je fais ici, je n'y suis
point autorisee; je la prends dans un mouvement de mon coeur et dans une
sorte d'inspiration que je crois bonne et sure.
Il y a quelques annees, ce desservant, touche du desespoir d'une vieille
mere de famille dont le fils, homme d'honneur, mais accable par de
malheureuses affaires, allait etre poursuivi et emprisonne pour dettes,
ceda aux conseils de la pitie, accorda pleine confiance aux preuves
qu'on lui donnait, et s'engagea a servir de caution aupres des
creanciers pour une pauvre somme de quatre mille francs. C'etait plus
qu'il ne possedait, ou, pour mieux dire, il ne possedait rien du tout.
Mais, comme les creanciers demandaient alors une garantie plutot que de
l'argent; que le debiteur paraissait pouvoir s'acquitter en quelques
annees par son travail, le bon pretre calcula que, toutes choses etant
mises au pis, il pourrait lui-meme, avec le temps et en se privant
chaque annee, arriver a faire face au desastre.
Malheureusement, le debiteur mourut peu
|