parce qu'on m'a dit qu'Elle avait l'esprit eleve et l'ame
veritablement apostolique. J'ai eu confiance, et j'ai ose. Je prevois
bien que Votre Grandeur fait son devoir encore mieux que moi, encore
mieux que tout le monde, et qu'Elle a quelque peine a satisfaire toutes
les demandes necessiteuses dont elle est accablee. Mais elle a de
nombreuses et puissantes relations que je n'ai point, elle doit disposer
de la bourse de beaucoup de personnes charitables, et il suffit d'un mot
de sa bouche pour obtenir pleine croyance, tandis qu'une heretique comme
moi n'a point de credit, et ne peut esperer d'etre ecoutee que par une
ame aussi degagee de soupcons et aussi saintement loyale que celle de
Votre Grandeur.
Je la prie d'agreer l'hommage de mon profond respect.
GEORGE SAND.
CXX
A M. CHARLES DUVERNET, A LA CHATRE
Paris, 12 novembre 1842.
Mon bon Charles,
Tu es excellent, et tes marrons le sont aussi. Nous les croquons a
toutes les sauces, et cet echantillon du Berry, en meme temps qu'il nous
couvre de gloire aux yeux de nos convives, nous satisfait l'estomac en
nous rejouissant le coeur. Solange surtout en fait son profit a belles
dents, et madame Pauline les a trouves si bons, que je lui en ai promis,
de ta part, un joli sac que certainement tu ne lui refuseras pas.
Je te dirai que nous sommes occupes de cette grande et bonne Pauline,
avec redoublement depuis son _redebut_ aux Italiens. Je ne te dis rien
de sa voix et de son genie, tu en sais aussi long que nous la-dessus;
mais tu apprendras avec plaisir que son succes, un peu conteste dans
les premiers jours, non par le public, mais par quelques coteries et
boutiques de journalisme, a ete, dans _la Cenerentola_ aussi brillant
et aussi complet que possible. Elle y est admirable, et, durant trois
representations de suite, on lui a fait repeter le finale. On remonte
maintenant le _Tancrede_ pour elle, et, les jours ou elle ne chante pas,
nous montons a cheval ensemble.
Nous cultivons aussi le billard; j'en ai un joli petit, que je loue
vingt francs par mois, dans mon salon, et, grace a la bonne amitie, nous
nous rapprochons, autant que faire se peut, dans ce triste Paris, de la
vie de Nohant. Ce qui nous donne un air campagne, aussi, c'est que je
demeure dans le meme square que la famille Marliani, Chopin dans le
pavillon suivant, de sorte que, sans sortir de cette grande cour
d'Orleans, bien eclairee et bien sablee, nous
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