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saurais vraiment pas vous dire dans quelles conditions vous devez
accepter l'amour, subir le mariage et vous sanctifier par la maternite.
L'amour, la fidelite, la maternite, tels sont pourtant les actes les
plus necessaires, les plus importants et les plus sacres de la vie de la
femme. Mais, dans l'absence d'une morale publique et d'une loi civile
qui rendent ces devoirs possibles et fructueux, puis-je vous indiquer
les cas particuliers ou, pour les remplir, vous devez ceder ou resister
a la coutume generale, a la necessite civile et a l'opinion publique? En
y reflechissant, mademoiselle vous reconnaitrez que je ne le puis pas,
et que vous seule etes assez eclairee sur votre propre force et sur
votre propre conscience, pour trouver un sentier a travers ces abimes,
et une route vers l'ideal que vous concevez.
A votre place, je n'aurais, quant a moi, qu'une maniere de trancher ces
difficultes. Je ne songerais point a mon propre bonheur. Convaincue que,
dans le temps ou nous vivons (avec les idees philosophiques que notre
intelligence nous suggere et la resistance que la legislation et
l'opinion opposent a des progres dont nous sentons le besoin), il n'y
a pas de bonheur possible au point de vue de l'egoisme, j'accepterais
cette vie avec un certain enthousiasme et une resolution analogue en
quelque sorte a celle des premiers martyrs. Cette abjuration du bonheur
personnel une fois faite sans retour, la question serait fort eclaircie.
Il ne s'agirait plus que de chercher a faire mon devoir comme je
l'entendrais. Et quel serait ce devoir? Ce serait de me placer, au
risque de beaucoup de deceptions, de persecutions et de souffrances,
dans les conditions ou ma vie serait le plus utile au plus grand, nombre
possible de mes semblables. Si l'amour parle en vous, quel sera, avec
une telle abnegation, le but de votre amour? Faire le plus de bien
possible a l'objet de votre amour. Je n'entends pas par la lui donner
les richesses et les joies qu'elles procurent: c'est plutot le moyen
de corrompre que celui d'edifier. J'entends lui fournir les moyens
d'ennoblir son ame, et de pratiquer la justice, la charite, la loyaute.
Si vous n'esperez pas produire ces effets nobles et avoir cette action
puissante sur l'etre que vous aimez, votre amour et votre fortune ne lui
feront aucun bien. Il sera ingrat, et vous serez humiliee.
Si l'espoir de la maternite parle en vous, quel sera (toujours avec
l'abnegation) le but de votre espoir? Ce s
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