ps,
ils sont condamnes a l'inaction, ce qui m'attriste et m'ennuie
prodigieusement.
Je recevrai avec grand plaisir M. Paul Gaymard, voila ce que je voulais
vous repondre sans tarder.
Et puis, maintenant, je vous dis bien vite que j'ai recu vos deux
lettres; que vos poesies sont toujours belles et grandes; que votre
_Fete de l'Ascension_ est une promesse bien sainte et bien solennelle de
ne jamais briser la coupe fraternelle ou vous buvez, avec les hommes de
la forte race, le courage et la douleur.
Faites beaucoup de poesies de ce genre, afin qu'elles aillent au coeur
du peuple et que la grande voix que le ciel vous a donnee pour chanter
au bord de la mer ne meure pas sur les rochers, comme celle de la _Harpe
des tempetes_. Prenez dans vos robustes mains la harpe de l'humanite et
qu'elle vibre comme on n'a pas encore su la faire vibrer. Vous avez un
grand pas a faire (litterairement parlant) _pour associer vos grandes
peintures de la nature sauvage avec la pensee et le sentiment humain_.
Reflechissez a ce que je souligne ici. Tout l'avenir, toute la mission
de votre genie sont dans ces deux lignes. C'est peut-etre une mauvaise
formule de ce que je veux exprimer; mais c'est celle qui me vient dans
ce moment, et, telle qu'elle est, c'est le resume de mes impressions et
de mes reflexions sur vous. Meditez-la, et, si elle vous suffit pour
comprendre ce que j'attends de vos efforts, donnez-m'en vous-meme
l'explication et le developpement dans votre reponse. C'est peut-etre
une enigme que je vous propose. Eh bien, c'est un travail pour votre
intelligence. Si vous n'entendez pas la solution comme je l'entends,
rappelez-moi ma formule, et je vous la developperai de mon cote dans
ma prochaine lettre. Au reste, la difficulte que je vous propose,
_d'associer_ (en d'autres termes) _le sentiment artistique et
pittoresque avec le sentiment humain et moral_, vous l'avez
instinctivement resolue d'une maniere admirable en plusieurs endroits
de vos poesies. Dans toutes celles ou vous parlez de vous et de votre
metier, vous sentez profondement que, si l'on a du plaisir avoir en vous
l'individu parce qu'il est particulierement doue, on en a encore plus a
le voir macon, proletaire, travailleur. Et pourquoi? c'est parce qu'un
individu qui se pose en poete, en artiste pur, en _Olympie_, comme la
plupart de nos grands hommes bourgeois et aristocrates, nous fatigue
bien vite de sa personnalite. Les delires, les joies et les souffrances
de
|