ir pas ete
pris au serieux par moi? Je le prends, au contraire, plus au serieux
qu'il ne voudrait. Je le prends pour un bon et excellent jeune homme
qui veut faire le vieux chien, qui a la singuliere manie de se faire
grognon, misanthrope et sceptique, quand il a le coeur jeune et genereux
en depit de lui-meme. Eh! mon Dieu, croit-il avoir le monopole des
ennuis, des deceptions et des chagrins? Est-ce que nous n'avons pas
battu tous ces chemins-la? est-ce que nous ne savons pas bien ce que
c'est que la vie? Je le sais mieux que lui; j'ai six, huit ou dix ans
de plus, et je sais bien aussi que, quand on n'est pas ne sombre
et haineux, on ne le devient pas, quel que soit le fardeau du mal
personnel. J'ai tant souffert pour mon compte, que je ne m'effraye plus
de voir souffrir. Mes idees ne sont plus a l'epouvante, a la plainte et
a la compassion ardente. Je dis comme vous: "Plus loin, plus loin! ne
nous arretons pas; allons au bout."
Et, depuis que je sens la main de la vieillesse s'etendre sur moi,
je sens un calme, une esperance et une confiance en Dieu que je ne
connaissais pas dans l'emotion de la jeunesse. Je trouve que Dieu est
si bon, si bon de nous vieillir, de nous calmer et de nous oter ces
aiguillons de personnalite qui sont si apres dans la jeunesse! Comment!
nous nous plaignons de perdre quelque chose, quand nous gagnons tant,
quand nos idees se redressent et s'etendent, quand notre coeur s'adoucit
et s'elargit, et quand notre conscience, enfin victorieuse, peut
regarder derriere elle et dire: "J'ai fait ma tache, l'heure de la
recompense approche!"
Vous me comprenez, vous, chere amie. Je vous ai vue franchir cette
planche ou le pied des femmes tremble et trebuche; vous la passez
gaiement, et vos soucis, quand vous en avez, ont une cause moins puerile
que ces vains regrets d'un age qui n'est plus a regretter des qu'il est
passe. Qu'ont-ils a se plaindre, ceux qui sont encore dans la vie que
j'avais hier? Craignent-ils de ne pas vieillir? Est-ce que chaque phase
de notre vie n'a pas ses forces, ses richesses, ses compensations? Il
faut vivre comme on monte a cheval; etre souple, ne pas contrarier la
monture mal a propos, tenir la bride d'une main legere, courir quand le
vent souffle et nous presse, aller au pas quand le soleil d'automne
nous y invite. Dieu a bien fait les choses, et, lui aidant, les hommes
arriveront a les comprendre.
Voila ce qui me passe par la tete en pensant a Petetin et a tant
d'au
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