nnes epuiseront-ils, a leur profit,
tous les sucs de l'humanite!
Mais je vous ecris cela pendant que vous etes dans le sein de votre
famille, catholique et royaliste, je crois, Ne discutez pas inutilement,
chere amie. On ne se corrige pas quand on n'a pas ete forme de bonne
heure aux idees de progres. Pourvu qu'on soit bon, c'est beaucoup. Je
crois que vous m'avez toujours dit que vos soeurs vous aimaient: je
m'en rejouis parce qu'elles seront forcees d'aimer en vous le _monstre_
revolutionnaire et progressif.
Bonsoir donc, bonne et chere amie. Embrassez pour moi mon gros Manoel
quand vous lui ecrirez, et ce scelerat de petit Gaston quand vous le
verrez.
J'ai encore Solange avec moi; je la ramenerai a Paris. Maurice part pour
Nerac et viendra bientot me rejoindre. Arrivez aussi de votre Normandie,
afin que Paris me semble supportable.
Papet est au fond des forets, dans _Erymanthe_ pour le moins, chassant
le sanglier. Chopin est a Paris, et il est retombe, comme il dit, dans
ses triples croches.
A vous.
G.
CCX
A M. CHARLES DUVERNET, A LA CHATRE
Paris, 27 septembre 1841.
Il y a plusieurs jours que je veux t'ecrire; mais la fatigue a ete trop
forte depuis une quinzaine. Tu verras par notre prochain numero[1] que
j'ai barbouille bien du papier. A peine ai-je donne une dizaine de jours
aux barbouillages, qu'il en faut passer quatre ou cinq a la correction
des epreuves. Et puis la correspondance pour ladite _Revue_ et mes
affaires personnelles, qui sont toujours arrierees et qui prennent
encore une huitaine. Tu vois ce qu'il me reste de jours, ce mois-ci,
pour songer a ce que je vais dire dans le numeros suivant. Heureusement
que je n'ai plus a chercher mes idees: elles sont eclaircies dans mon
cerveau; je n'ai plus a combattre mes doutes: ils se sont dissipes comme
de vains nuages devant la lumiere de la conviction; je n'ai plus a
interroger mes sentiments: ils parlent chaudement au fond de mes
entrailles et imposent silence a toute hesitation, a tout amour-propre
litteraire, a toute crainte du ridicule.
Voila a quoi m'a servi, a moi, l'etude de la philosophie, et d'une
certaine philosophie, la seule claire pour moi, parce qu'elle est la
seule qui soit aussi complete que l'est l'ame humaine aux temps ou nous
sommes arrives. Je ne dis pas que ce soit le dernier mot de l'humanite;
mais, quant a present, c'en est l'expression la plus avancee.
Tu demandes pourtan
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