ire regretter une education plus soignee. Du reste, dissolu et
cynique, violent et faux comme les meridionaux qui savent cacher la
duplicite sous la brusquerie; republicain par sentiment et par position,
mais homme sans foi, recevant chez lui les plus violens revolutionnaires
des faubourgs et tous les emigres rentres en France, plaisant aux
uns par sa violence triviale, convenant aux autres par son esprit
d'intrigue, il etait en realite chaud patriote, et en secret il donnait
des esperances a tous les partis. A lui seul il representait le parti
Danton tout entier, au genie pres du chef, qui n'avait pas passe dans
ses successeurs.
Rewbell, ancien avocat a Colmar, avait contracte au barreau et dans
nos differentes assemblees une grande experience dans le maniement des
affaires. A la penetration, au discernement les plus rares, il joignait
une instruction etendue, une memoire fort vaste, une rare opiniatrete
au travail. Ces qualites en faisaient un homme precieux a la tete
de l'etat. Il discutait parfaitement les affaires, quoique un peu
argutieux, par un reste des habitudes du barreau. Il joignait a une
assez belle figure l'habitude du monde; mais il etait rude et blessant
par la vivacite et l'aprete de son langage. Malgre les calomnies des
contre-revolutionnaires et des fripons, il etait d'une extreme probite.
Malheureusement il n'etait pas sans un peu d'avarice; il aimait a
employer sa fortune personnelle d'une maniere avantageuse, ce qui lui
faisait rechercher les gens d'affaires, et ce qui fournissait de facheux
pretextes a la calomnie. Il soignait beaucoup la partie des relations
exterieures, et il portait aux interets de la France un tel attachement,
qu'il eut ete volontiers injuste a l'egard des nations etrangeres.
Republicain chaud, sincere et ferme, il appartenait originairement a la
partie moderee de la convention, et il eprouvait un egal eloignement
pour Carnot et Barras, l'un comme montagnard, l'autre comme dantonien.
Ainsi Carnot, Barras, Rewbell, issus tous trois de partis contraires,
se detestaient reciproquement; ainsi les haines contractees pendant
une longue et cruelle lutte, ne s'etaient pas effacees sous le regime
constitutionnel; ainsi les coeurs ne s'etaient pas meles, comme des
fleuves qui se reunissent sans confondre leurs eaux. Cependant, tout
en se detestant, ces trois hommes contenaient leurs ressentimens, et
travaillaient avec accord a l'oeuvre commune.
Restaient Larevelliere-Lepaux et Letou
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