t la justesse, au caractere la facilite. Il etait penetrant,
approfondissait bien le sujet qu'il examinait; mais une fois engage
dans une erreur il n'en revenait pas. Il etait probe, courageux, tres
applique au travail, mais ne pardonnait jamais ou un tort, ou une
blessure faite a son amour-propre; il etait spirituel et original,
ce qui est assez ordinaire chez les hommes concentres en eux-memes.
Autrefois il s'etait brouille avec les membres du comite de salut
public, car il etait impossible que son orgueil sympathisat avec celui
de Robespierre et de Saint-Just, et que son grand courage flechit devant
leur despotisme. Aujourd'hui la meme chose ne pouvait manquer de lui
arriver au directoire. Independamment des occasions qu'il avait de se
heurter avec ses collegues, en s'occupant en commun d'une tache aussi
difficile que celle du gouvernement, et qui provoque si naturellement
la diversite des avis, il nourrissait d'anciens ressentimens,
particulierement contre Barras. Tous ses penchans d'homme severe,
probe et laborieux, l'eloignaient de ce collegue prodigue, debauche
et paresseux; mais il detestait surtout en lui le chef de ces
thermidoriens, amis et vengeurs de Danton, et persecuteurs de la vieille
Montagne. Carnot, qui etait l'un des principaux auteurs de la mort de
Danton, et qui avait failli plus tard devenir victime des persecutions
dirigees contre les montagnards, ne pouvait pardonner aux thermidoriens:
aussi nourrissait-il contre Barras une haine profonde.
Barras avait servi autrefois dans les Indes; il y avait montre le
courage d'un soldat. Il etait propre, dans les troubles, a monter a
cheval, et, comme on a vu, il avait gagne de cette maniere sa place au
directoire. Aussi, dans toutes les occasions difficiles, parlait-il de
monter encore a cheval et de sabrer les ennemis de la republique. Il
etait grand et beau de sa personne; mais son regard avait quelque chose
de sombre et de sinistre, qui etait peu d'accord avec son caractere,
plus emporte que mechant. Quoique nourri dans un rang eleve, il n'avait
rien de distingue dans les manieres. Elles etaient brusques, hardies et
communes. Il avait une justesse et une penetration d'esprit qui,
avec l'etude et le travail, auraient pu devenir des facultes tres
distinguees; mais paresseux et ignorant, il savait tout au plus ce qu'on
apprend dans une vie assez orageuse, et il laissait percer dans les
choses qu'il etait appele a juger tous les jours, assez de sens pour
fa
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