ler, pas meme pour l'honneur de votre couronne; mais j'ai une
grace a vous demander: je vous la demande.
-- Parlez, dit le roi fort trouble par les dernieres paroles du
ministre. Que vous faut-il?
-- La grace de M. d'Herblay et celle de M. du Vallon.
-- Mes assassins?
-- Deux rebelles, Sire, voila tout.
-- Oh! je comprends que vous me demandiez grace pour vos amis.
-- Mes amis! fit Fouquet blesse profondement.
-- Vos amis, oui; mais la surete de mon Etat exige une exemplaire
punition des coupables.
-- Je ne ferai pas observer a Votre Majeste que je viens de lui
rendre la liberte, de lui sauver la vie.
-- Monsieur!
-- Je ne lui ferai pas observer que, si M. d'Herblay eut voulu
faire son role d'assassin, il pouvait simplement assassiner Votre
Majeste, ce matin, dans la foret de Senart et que tout etait fini.
Le roi tressaillit.
-- Un coup de pistolet dans la tete, poursuivit Fouquet, et le
visage de Louis XIV, devenu meconnaissable, etait a jamais
l'absolution de M. d'Herblay.
Le roi palit d'epouvante a l'aspect du peril evite.
-- M. d'Herblay, continua Fouquet, s'il eut ete un assassin,
n'avait pas besoin de me conter son plan pour reussir. Debarrasse
du vrai roi, il rendait le faux roi impossible a deviner.
L'usurpateur eut-il ete reconnu par Anne d'Autriche, c'etait
toujours un fils pour elle. L'usurpateur, pour la conscience de
M. d'Herblay, c'etait toujours un roi du sang de Louis XIII. De
plus, le conspirateur avait la surete, le secret, l'impunite. Un
coup de pistolet lui donnait tout cela. Grace, pour lui, au nom de
votre salut, Sire!
Le roi, au lieu d'etre touche par cette peinture si vraie de
generosite d'Aramis, se sentait cruellement humilie. Son
indomptable orgueil ne pouvait s'accoutumer a l'idee qu'un homme
avait tenu, suspendu au bout de son doigt, le fil d'une vie
royale. Chacune des paroles que Fouquet croyait efficaces pour
obtenir la grace de ses amis portait une nouvelle goutte de venin
dans le coeur deja ulcere de Louis XIV. Rien ne put donc le
flechir, et, s'adressant impetueusement a Fouquet:
-- Je ne sais vraiment pas, monsieur, dit-il, pourquoi vous me
demandez grace pour ces gens-la! A quoi bon demander ce qu'on peut
avoir sans le solliciter?
-- Je ne vous comprends pas, Sire.
-- C'est aise, pourtant. Ou suis-je ici?
-- A la Bastille, Sire.
-- Oui, dans un cachot. Je passe pour un fou, n'est-ce pas?
-- C'est vrai, Sire.
-- Et nul ne connait i
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