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selleries, trouvait peu de prix dans ces riens que prisaient bien
fort les selliers ou les tailleurs.
Jaloux de rapporter chez leurs femmes des confitures donnees par
Monseigneur, on les voyait bondir joyeux sous le poids des
terrines et des bouteilles glorieusement estampillees aux armes du
prince.
M. de Beaufort finit par donner ses chevaux et le foin des
greniers. Il fit plus de trente heureux avec ses batteries de
cuisine, et trois cents avec sa cave.
De plus, tous ces gens s'en allaient avec la conviction que
M. de Beaufort n'agissait de la sorte qu'en prevision d'une
nouvelle fortune cachee sous les tentes arabes.
On se repetait, tout en devastant son hotel, qu'il etait envoye a
Djidgelli par le roi pour reconstituer sa richesse perdue; que les
tresors d'Afrique seraient partages par moitie entre l'amiral et
le roi de France; que ces tresors consistaient en des mines de
diamants ou d'autres pierres fabuleuses; les mines d'argent ou
d'or de l'Atlas n'obtenaient pas meme l'honneur d'une mention.
Outre les mines a exploiter, ce qui n'arriverait qu'apres la
campagne, il y aurait le butin fait par l'armee.
M. de Beaufort mettrait la main sur tout ce que les riches
ecumeurs de mer avaient vole a la chretiente depuis la bataille de
Lepante. Le nombre des millions ne se comptait plus.
Or, pourquoi aurait-il menage les pauvres ustensiles de sa vie
passee, celui qui allait etre en quete des plus rares tresors? Et,
reciproquement, comment aurait-on menage le bien de celui qui se
menageait si peu lui-meme?
Voila quelle etait la situation. Athos, avec son regard
investigateur, s'en rendit compte du premier coup d'oeil.
Il trouva l'amiral de France un peu etourdi, car il sortait de
table, d'une table de cinquante couverts, ou l'on avait bu
longtemps a la prosperite de l'expedition; ou, au dessert, on
avait abandonne les restes aux valets et les plats vides aux
curieux.
Le prince s'etait enivre de sa ruine et de sa popularite tout
ensemble. Il avait bu son ancien vin a la sante de son vin futur.
Quand il vit Athos avec Raoul.
-- Voila, s'ecria-t-il, mon aide de camp que l'on m'amene. Venez
par ici, comte; venez par ici, Vicomte.
Athos cherchait un passage dans la jonchee de linge et de
vaisselle.
-- Ah! oui, enjambez, dit le duc.
Et il offrit un verre plein a Athos.
Celui-ci accepta; Raoul mouilla ses levres a peine.
-- Voici votre commission, dit le prince a Raoul. Je l'avais
prepar
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