emier ordre.
-- Bah!
-- Et dans la marine!
-- C'est vrai. Mais ne fait-on pas tout ce qu'on veut, quand on
lui ressemble?
-- Monseigneur, vous ne trouverez nulle part autant de zele et
d'intelligence, autant de reelle bravoure que chez Raoul; mais,
s'il vous manquait votre embarquement, vous n'auriez que ce que
vous meritez.
-- Le voila qui me gronde!
-- Monseigneur, pour approvisionner une flotte, pour rallier une
flottille, pour enroler votre service maritime, il faudrait un an
a un amiral. Raoul est un capitaine de cavalerie, et vous lui
donnez quinze jours.
-- Je vous dis qu'il s'en tirera.
-- Je le crois bien; mais je l'y aiderai.
-- J'ai bien compte sur vous, et je compte bien meme qu'une fois a
Toulon, vous ne le laisserez pas partir seul.
-- Oh! fit Athos en secouant la tete.
-- Patience! patience!
-- Monseigneur, laissez-nous prendre conge.
-- Allez donc, et que ma fortune vous aide!
-- Adieu, monseigneur, et que votre fortune vous aide aussi!
-- Voila une expedition bien commencee, dit Athos a son fils. Pas
de vivres, pas de reserves, pas de flottille de charge; que fera-
t-on ainsi?
-- Bon! murmura Raoul, si tous y vont faire ce que j'y ferai, les
vivres ne manqueront pas.
-- Monsieur, repliqua severement Athos, ne soyez pas injuste et
fou dans votre egoisme ou dans votre douleur, comme il vous
plaira. Des que vous partez pour cette guerre avec l'intention d'y
mourir, vous n'avez besoin de personne, et ce n'etait pas la peine
de vous faire recommander a M. de Beaufort. Des que vous approchez
du prince commandant, des que vous acceptez la responsabilite
d'une charge dans l'armee, il ne s'agit plus de vous, il s'agit de
tous ces pauvres soldats qui, comme vous, ont un coeur et un
corps, qui pleureront la patrie et souffriront toutes les
necessites de la condition humaine. Sachez, Raoul, que l'officier
est un ministre aussi utile qu'un pretre, et qu'il doit avoir plus
de charite qu'un pretre.
-- Monsieur, je le savais et je l'ai pratique, je l'eusse fait
encore... mais...
-- Vous oubliez aussi que vous etes d'un pays fier de sa gloire
militaire; allez mourir si vous voulez, mais ne mourez pas sans
honneur et sans profit pour la France. Allons, Raoul, ne vous
attristez pas de mes paroles; je vous aime et voudrais que vous
fussiez parfait.
-- J'aime vos reproches, monsieur, dit doucement le jeune homme;
ils me guerissent, ils me prouvent que quelqu'un m'aime encor
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