a porte interrompit ce concours de joie et
d'esperance.
-- Un courrier du roi! cria le maitre des ceremonies. Alors il se
fit un profond silence, comme si le message qu'apportait ce
courrier n'etait qu'une reponse a tous les projets enfantes
l'instant d'avant.
Chacun attendit ce que ferait le maitre, dont le front ruisselait
de sueur, et qui, veritablement, souffrait de sa fievre.
Fouquet passa dans son cabinet pour recevoir le message de Sa
Majeste.
Il y avait, nous l'avons dit, un tel silence dans les chambres et
dans tout le service, que l'on entendait la voix de Fouquet qui
repondait:
-- C'est bien, monsieur.
Cette voix etait pourtant brisee par la fatigue, alteree par
l'emotion.
Un instant apres, Fouquet appela Gourville, qui traversa la
galerie au milieu de l'attente universelle.
Enfin il reparut lui-meme parmi ses convives, mais ce n'etait plus
le meme visage, pale et defait, qu'on lui avait vu au depart; de
pale, il s'etait fait livide, et, de defait, decompose. Spectre
vivant, il s'avancait les bras etendus, la bouche dessechee, comme
l'ombre qui vient de saluer des amis d'autrefois.
A cette vue chacun se leva, chacun s'ecria, chacun courut a
Fouquet.
Celui-ci, regardant Pelisson, s'appuya sur la surintendante, et
serra la main glacee de la marquise de Belliere.
-- Eh bien! fit-il d'une voix qui n'avait plus rien d'humain.
-- Qu'arrive-t-il, mon Dieu? lui dit-on.
Fouquet ouvrit sa main droite, qui etait crispee, humide; on y vit
un papier sur lequel Pelisson se jeta epouvante.
Il y lut les lignes suivantes de la main du roi:
"Cher et aime Monsieur Fouquet, donnez-nous, sur ce qui vous reste
a nous, une somme de sept cent mille livres dont nous avons besoin
ce jourd'hui pour notre depart.
"Et, comme nous savons que votre sante n'est pas bonne, nous
prions Dieu qu'il vous remette en sante et vous ait en sa sainte
et digne garde.
"Louis.
"La presente lettre est pour recu."
Un murmure d'effroi circula dans la salle.
-- Eh bien! s'ecria Pelisson a son tour, vous avez cette lettre?
-- J'ai le recu, oui.
-- Que ferez-vous, alors?
-- Rien, puisque j'ai le recu.
-- Mais...
-- Si j'ai le recu, Pelisson, c'est que j'ai paye, fit le
surintendant avec une simplicite qui arracha le coeur aux
assistants.
-- Vous avez paye? s'ecria Mme Fouquet au desespoir. Alors nous
sommes perdus!
-- Allons, allons, plus de mots inutiles, interrompit Pelisson.
Apres l'argen
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