a maison de M. Fouquet?
-- Aucun! repliqua Louis.
-- Ah! ah! dit d'Artagnan en mordant sa moustache. Je ne m'etais
pas trompe; c'est Monsieur.
Et il designait Colbert.
-- Quel ordre? Voyons! dit le roi.
-- Ordre de bouleverser toute une maison, de battre les
domestiques et officiers de M. Fouquet, de forcer les tiroirs, de
mettre a sac un logis paisible; mordioux! ordre de sauvage!
-- Monsieur! fit Colbert tres pale.
-- Monsieur, interrompit d'Artagnan, le roi seul, entendez-vous,
le roi seul a le droit de commander a mes mousquetaires; mais,
quant a vous, je vous le defends, et je vous le dis devant Sa
Majeste; des gentilshommes qui portent l'epee ne sont pas des
belitres qui ont la plume a l'oreille.
-- D'Artagnan! d'Artagnan! murmura le roi.
-- C'est humiliant, poursuivit le mousquetaire; mes soldats sont
deshonores. Je ne commande pas a des reitres, moi, ou a des commis
de l'intendance, mordioux!
-- Mais qu'y a-t-il? Voyons! dit le roi avec autorite.
-- Il y a, Sire, que Monsieur, Monsieur, qui n'a pu deviner les
ordres de Votre Majeste, et qui, par consequent, n'a pas su que
j'arretais M. Fouquet, Monsieur, qui a fait faire la cage de fer a
son patron d'hier, a expedie M. de Roncherat dans le logis de
M. Fouquet, et que, pour enlever les papiers du surintendant, on a
enleve tous les meubles. Mes mousquetaires etaient autour de la
maison depuis le matin. Voila mes ordres. Pourquoi s'est-on permis
de les faire entrer dedans? Pourquoi, en les forcant d'assister a
ce pillage, les en a-t-on rendus complices? Mordioux! nous servons
le roi, nous autres, mais nous ne servons pas M. Colbert!
-- Monsieur d'Artagnan, dit le roi severement, prenez garde, ce
n'est pas en ma presence que de pareilles explications, faites sur
ce ton, doivent avoir lieu.
-- J'ai agi pour le bien du roi, dit Colbert d'une voix alteree;
il m'est dur d'etre traite de la sorte par un officier de Sa
Majeste, et cela sans vengeance, a cause du respect que je dois au
roi.
-- Le respect que vous devez au roi! s'ecria d'Artagnan, dont les
yeux flamboyerent, consiste d'abord a faire respecter son
autorite, a faire cherir sa personne. Tout agent d'un pouvoir sans
controle represente ce pouvoir, et, quand les peuples maudissent
la main qui les frappe, c'est a la main royale que Dieu fait
reproche, entendez-vous? Faut-il qu'un soldat endurci depuis
quarante annees aux plaies et au sang vous donne cette lecon,
monsieur? faut-i
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