ir.
Biscarrat seul risqua une derniere tentative.
-- Monsieur, dit-il a voix basse, croyez-moi, passons notre
chemin; ces deux hommes, ces deux lions que l'on va attaquer se
defendront jusqu'a la mort. Ils nous ont deja tue dix hommes; ils
en tueront encore le double, et finiront par se tuer eux-memes
plutot que de se rendre. Que gagnerons-nous a les combattre?
-- Nous y gagnerons, monsieur, la conscience de n'avoir pas fait
reculer quatre-vingts gardes du roi devant deux rebelles. Si
j'ecoutais votre conseil, monsieur, je serais un homme deshonore,
et, en me deshonorant, je deshonorerais l'armee. En avant, vous
autres!
Et il marcha le premier jusqu'a l'ouverture de la grotte.
Arrive la, il fit halte.
Cette halte avait pour but de donner a Biscarrat et a ses
compagnons le temps de lui depeindre l'interieur de la grotte.
Puis, quand il crut avoir une connaissance suffisante des lieux,
il divisa la compagnie en trois corps, qui devaient entrer
successivement en faisant un feu nourri dans toutes les
directions. Sans doute, a cette attaque, on perdrait cinq hommes
encore, dix peut-etre; mais certes, on finirait par prendre les
rebelles, puisqu'il n'y avait pas d'issue, et que, a tout prendre,
deux hommes n'en pouvaient pas tuer quatre-vingts.
-- Mon capitaine, demanda Biscarrat, je demande a marcher a la
tete du premier peloton.
-- Soit! repondit le capitaine. Vous en avez tout l'honneur. C'est
un cadeau que je vous fais.
-- Merci!repondit le jeune homme avec toute la fermete de sa race.
-- Prenez votre epee, alors.
-- J'irai ainsi que je suis, mon capitaine, dit Biscarrat; car je
ne vais pas pour tuer, mais pour etre tue.
Et, se placant a la tete du premier peloton, le front decouvert et
les bras croises:
-- Marchons, messieurs! dit-il.
Chapitre CCLV -- Un chant d'Homere
Il est temps de passer dans l'autre camp et de decrire a la fois
les combattants et le champ de bataille.
Aramis et Porthos s'etaient engages dans la grotte de Locmaria
pour y trouver le canot tout amarre, ainsi que les trois Bretons
leurs aides, et ils esperaient d'abord faire passer la barque par
la petite issue du souterrain, en derobant de cette facon leurs
travaux et leur fuite. L'arrivee du renard et des chiens les avait
contraints de rester caches.
La grotte s'etendait l'espace d'a peu pres cent toises, jusqu'a un
petit talus dominant une crique. Jadis temple des divinites
paiennes, alors que Belle-Ile s
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