ttit, pressee par les
deux autres qui s'abattirent sur elle et engloutit Porthos dans un
sepulcre de pierres brisees.
En entendant la voix expirante de son ami, Aramis avait saute a
terre. Deux des Bretons le suivirent un levier a la main, un seul
suffisant pour garder la barque. Les derniers rales du vaillant
lutteur les guiderent dans les decombres.
Aramis, etincelant, superbe, jeune comme a vingt ans, s'elanca
vers la triple masse, et de ses mains delicates, comme des mains
de femme, leva par un miracle de vigueur un coin de l'immense
sepulcre de granit. Alors, il entrevit dans les tenebres de cette
fosse l'oeil brillant de son ami, a qui la masse soulevee un
instant venait de rendre la respiration. Aussitot les deux hommes
se precipiterent, se cramponnerent au levier de fer, reunissant
leur triple effort, non pas pour le soulever, mais pour le
maintenir. Tout fut inutile: les trois hommes plierent lentement
avec des cris de douleur, et la rude voix de Porthos, les voyant
s'epuiser dans une lutte inutile, murmura d'un ton railleur ces
mots supremes venus jusqu'aux levres avec la supreme respiration:
-- Trop lourd!
Apres quoi, l'oeil s'obscurcit et se ferma, le visage devint pale,
la main blanchit, et le Titan se coucha, poussant un dernier
soupir.
Avec lui s'affaissa la roche, que, meme dans son agonie, il avait
soutenue encore!
Les trois hommes laisserent echapper le levier qui roula sur la
pierre tumulaire.
Puis, haletant, pale, la sueur au front, Aramis ecouta, la
poitrine serree, le coeur a se rompre.
Plus rien! Le geant dormait de l'eternel sommeil, dans le sepulcre
que Dieu lui avait fait a sa taille.
Chapitre CCLVII -- L'epitaphe de Porthos
Aramis, silencieux, glace, tremblant comme un enfant craintif se
releva en frissonnant de dessus cette pierre.
Un chretien ne marche pas sur des tombes.
Mais, capable de se tenir debout, il etait incapable de marcher.
On eut dit que quelque chose de Porthos mort venait de mourir en
lui.
Ses Bretons l'entourerent; Aramis se laissa aller a leurs
etreintes, et les trois marins, le soulevant, l'emporterent dans
le canot.
Puis, l'ayant depose sur le banc, pres du gouvernail ils forcerent
de rames, preferant s'eloigner en nageant a hisser la voile, qui
pouvait les denoncer.
Sur toute cette surface rasee de l'ancienne grotte de Locmaria,
sur cette plage aplatie, un seul monticule attirait le regard.
Aramis n'en put detacher ses yeux, et,
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