guere les coups de vent, et celle qui portait Aramis eut du, selon
l'estime de d'Artagnan, etre revenue a Brest, ou rentrer a
l'embouchure de la Loire.
Telles etaient les nouvelles ambigues, mais a peu pres rassurantes
pour lui personnellement, que d'Artagnan rapportait a Louis XIV,
lorsque le roi, suivi de toute la Cour, revint a Paris.
Louis, content de son succes, Louis, plus doux et plus affable
depuis qu'il se sentait plus puissant, n'avait pas cesse un seul
instant de chevaucher a la portiere de Mlle de La Valliere.
Tout le monde s'etait empresse de distraire les deux reines pour
leur faire oublier cet abandon du fils et de l'epoux. Tout
respirait l'avenir; le passe n'etait plus rien pour personne.
Seulement, ce passe venait comme une plaie douloureuse et
saignante aux coeurs de quelques ames tendres et devouees. Aussi,
le roi ne fut pas plutot installe chez lui, qu'il en recut une
preuve touchante.
Louis XIV venait de se lever et de prendre son premier repas,
quand son capitaine des mousquetaires se presenta devant lui.
D'Artagnan etait un peu pale et semblait gene.
Le roi s'apercut, au premier coup d'oeil, de l'alteration de ce
visage, ordinairement si egal.
-- Qu'avez-vous donc, d'Artagnan? dit-il.
-- Sire, il m'est arrive un grand malheur.
-- Mon Dieu! quoi donc?
-- Sire, j'ai perdu un de mes amis, M. du Vallon, a l'affaire de
Belle-Ile.
Et, en disant ces mots, d'Artagnan attachait son oeil de faucon
sur Louis XIV, pour deviner en lui le premier sentiment qui se
ferait jour.
-- Je le savais, repliqua le roi.
-- Vous le saviez et vous ne me l'avez pas dit? s'ecria le
mousquetaire.
-- A quoi bon? Votre douleur, mon ami, est si respectable! J'ai
du, moi, la menager. Vous instruire de ce malheur qui vous
frappait, d'Artagnan, c'etait en triompher a vos yeux. Oui, je
savais que M. du Vallon s'etait enterre sous les rochers de
Locmaria; je savais que M. d'Herblay m'a pris un vaisseau avec son
equipage pour se faire conduire a Bayonne. Mais j'ai voulu que
vous appreniez vous-meme ces evenements d'une maniere directe,
afin que vous fussiez convaincu que mes amis sont pour moi
respectables et sacres, que toujours en moi l'homme s'immolera aux
hommes, puisque le roi est si souvent force de sacrifier les
hommes a sa majeste, a sa puissance.
-- Mais, Sire, comment savez-vous?...
-- Comment savez-vous vous-meme, d'Artagnan?
-- Par cette lettre, Sire, que m'ecrit de Bayonne, Aramis,
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