cria dans la salle
voisine:
-- Introduisez!
Bientot parurent a la porte du cabinet, ou se tenaient le roi et
son capitaine, les trois hommes que d'Artagnan avait nommes.
Sur leur passage regnait un profond silence. Les courtisans, a
l'approche des amis du malheureux surintendant des finances, les
courtisans, disons-nous, reculaient comme pour n'etre pas gates
par la contagion de la disgrace et de l'infortune.
D'Artagnan, d'un pas rapide, vint lui-meme prendre par la main ces
malheureux qui hesitaient et tremblaient a la porte du cabinet
royal; il les amena devant le fauteuil du roi, qui, refugie dans
l'embrasure d'une fenetre, attendait le moment de la presentation
et se preparait a faire aux suppliants un accueil rigoureusement
diplomatique.
Le premier des amis de Fouquet qui s'avanca fut Pelisson. Il ne
pleurait plus; mais ses larmes n'avaient uniquement tari que pour
que le roi put mieux entendre sa voix et sa priere.
Gourville se mordait les levres pour arreter ses pleurs par
respect du roi. La Fontaine ensevelissait son visage dans son
mouchoir, et l'on n'eut pas dit qu'il vivait, sans le mouvement
convulsif de ses epaules soulevees par ses sanglots.
Le roi avait garde toute sa dignite. Son visage etait impassible.
Il avait meme conserve le froncement de sourcil qui avait paru
quand d'Artagnan lui avait annonce ses ennemis. Il fit un geste
qui signifiait: "Parlez", et il demeura debout, couvant d'un
regard profond ces trois hommes desesperes.
Pelisson se courba jusqu'a terre, et La Fontaine s'agenouilla
comme on fait dans les eglises.
Cet obstine silence, trouble seulement par des soupirs et des
gemissements si douloureux, commencait a emouvoir chez le roi, non
pas la compassion, mais l'impatience.
-- Monsieur Pelisson, dit-il d'une voix breve et seche, monsieur
Gourville, et vous, monsieur...
Et il ne nomma pas La Fontaine.
-- Je verrais, avec un sensible deplaisir, que vous vinssiez me
prier pour un des plus grands criminels que doive punir ma
justice. Un roi ne se laisse attendrir que par les larmes ou par
les remords: larmes de l'innocence, remords des coupables. Je ne
croirai ni aux remords de M. Fouquet ni aux larmes de ses amis,
parce que l'un est gate jusqu'au coeur et que les autres doivent
redouter de me venir offenser chez moi. C'est pourquoi, monsieur
Pelisson, monsieur Gourville, et vous, monsieur... je vous prie de
ne rien dire qui ne temoigne hautement du respect que vou
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