t bien lourd, puisqu'on donna au messager une garde de cinq
hommes pour l'aider a le porter.
Ces gens arriverent devant la place qu'assiegeait M. d'Artagnan
vers le point du jour, et ils se presenterent au logement du
general.
Il leur fut repondu que M. d'Artagnan, contrarie d'une sortie que
lui avait faite la veille le gouverneur, homme sournois, et dans
laquelle on avait comble les ouvrages, tue soixante-dix-sept
hommes et commence a reparer une breche, venait de sortir avec une
dizaine de compagnies de grenadiers pour faire relever les
travaux.
L'envoye de M. Colbert avait ordre d'aller chercher M. d'Artagnan
partout ou il serait, a quelque heure que ce fut du jour ou de la
nuit. Il s'achemina donc vers les tranchees, suivi de son escorte,
tous a cheval.
On apercut en plaine decouverte M. d'Artagnan avec son chapeau
galonne d'or, sa longue canne et ses grands parements dores. Il
machonnait sa moustache blanche, et n'etait occupe qu'a secouer,
avec sa main gauche, la poussiere que jetaient sur lui en passant
les boulets qui effondraient le sol.
Aussi, dans ce terrible feu qui remplissait l'air de sifflements,
voyait-on les officiers manier la pelle, les soldats rouler les
brouettes, et les vastes fascines, s'elevant portees ou trainees
par dix a vingt hommes, couvrir le front de la tranchee, rouverte
jusqu'au coeur par cet effort furieux du general animant ses
soldats.
En trois heures, tout avait ete retabli. D'Artagnan commencait a
parler plus doucement. Il fut tout a fait calme quand le capitaine
des pionniers vint lui dire, le chapeau a la main, que la tranchee
etait logeable.
Cet homme eut a peine acheve de parler, qu'un boulet lui coupa une
jambe et qu'il tomba dans les bras de d'Artagnan. Celui-ci releva
son soldat, et, tranquillement, avec toutes sortes de caresses, il
le descendit dans la tranchee, aux applaudissements enthousiastes
des regiments.
Des lors, ce ne fut plus une ardeur, mais un delire; deux
compagnies se deroberent et coururent jusqu'aux avant-postes,
qu'elles eurent culbutes en un tour de main. Quand leurs
camarades, contenus a grand-peine par d'Artagnan, les virent loges
sur les bastions, ils s'elancerent aussi, et bientot un assaut
furieux fut donne a la contrescarpe, d'ou dependait le salut de la
place.
D'Artagnan vit qu'il ne lui restait qu'un moyen d'arreter son
armee, c'etait de la loger dans la place; il poussa tout le monde
sur deux breches que les assieges s'occ
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