ire, blesse a
son tour de la lecon. D'ailleurs, je ne vois pas en quoi un
honnete homme, quand il demande au roi en quoi il l'a mal servi,
l'offense.
-- Vous m'avez mal servi, monsieur, en prenant le parti de mes
ennemis contre moi.
-- Quels sont vos ennemis, Sire?
-- Ceux que je vous envoyais combattre.
-- Deux hommes! ennemis de l'armee de Votre Majeste! Ce n'est pas
croyable, Sire.
-- Vous n'avez point a juger mes volontes.
-- J'ai a juger mes amities, Sire.
-- Qui sert ses amis ne sert pas son maitre.
-- Je l'ai si bien compris, Sire, que j'ai offert respectueusement
ma demission a Votre Majeste.
-- Et je l'ai acceptee, monsieur, dit le roi. Avant de me separer
de vous, j'ai voulu vous prouver que je savais tenir ma parole.
-- Votre Majeste a tenu plus que sa parole; car Votre Majeste m'a
fait arreter, dit d'Artagnan de son air froidement railleur; elle
ne me l'avait pas promis.
Le roi dedaigna cette plaisanterie, et, venant au serieux:
-- Voyons, monsieur, dit-il, a quoi votre desobeissance m'a force.
-- Ma desobeissance? s'ecria d'Artagnan rouge de colere.
-- C'est le nom le plus doux que j'ai trouve, poursuivit le roi.
Mon idee, a moi, etait de prendre et de punir des rebelles; avais-
je a m'inquieter si les rebelles etaient vos amis?
-- Mais j'avais a m'en inquieter, moi, repondit d'Artagnan.
C'etait une cruaute a Votre Majeste de m'envoyer prendre mes amis
pour les amener a vos potences.
-- C'etait, monsieur, une epreuve que j'avais a faire sur les
pretendus serviteurs qui mangent mon pain et doivent defendre ma
personne. L'epreuve a mal reussi, monsieur d'Artagnan.
-- Pour un mauvais serviteur que perd Votre Majeste, dit le
mousquetaire avec amertume, il y en a dix qui ont, ce meme jour,
fait leurs preuves. Ecoutez-moi, Sire; je ne suis pas accoutume a
ce service-la, moi. Je suis une epee rebelle quand il s'agit de
faire le mal. Il etait mal a moi d'aller poursuivre, jusqu'a la
mort, deux hommes dont M. Fouquet, le sauveur de Votre Majeste,
vous avait demande la vie. De plus, ces deux hommes etaient mes
amis. Ils n'attaquaient pas Votre Majeste; ils succombaient sous
le poids d'une colere aveugle. D'ailleurs, pourquoi ne les
laissait-on pas fuir? Quel crime avaient-ils commis? J'admets que
vous me contestiez le droit de juger leur conduite. Mais, pourquoi
me soupconner avant l'action? pourquoi m'entourer d'espions?
pourquoi me deshonorer devant l'armee! pourquoi, moi, d
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