ans lequel
vous avez jusqu'ici montre la confiance la plus entiere, moi qui,
depuis trente ans, suis attache a votre personne et vous ai donne
mille preuves de devouement car, il faut bien que je le dise,
aujourd'hui que l'on m'accuse, pourquoi me reduire a voir trois
mille soldats du roi marcher en bataille contre deux hommes?
-- On dirait que vous oubliez ce que ces hommes m'ont fait? dit le
roi d'une voix sourde, et qu'il n'a pas tenu a eux que je ne fusse
perdu.
-- Sire, on dirait que vous oubliez que j'etais la!
-- Assez, monsieur d'Artagnan, assez de ces interets dominateurs
qui viennent oter le soleil a mes interets. Je fonde un Etat dans
lequel il n'y aura qu'un maitre, je vous l'ai promis autrefois; le
moment est venu de tenir ma promesse. Vous voulez etre, selon vos
gouts et vos amities, libre d'entraver mes plans et de sauver mes
ennemis? Je vous brise ou je vous quitte. Cherchez un maitre plus
commode. Je sais bien qu'un autre roi ne se conduirait point comme
je le fais, et qu'il se laisserait dominer par vous, risque a vous
envoyer un jour tenir compagnie a M. Fouquet et aux autres; mais
j'ai bonne memoire, et, pour moi, les services sont des titres
sacres a la reconnaissance, a l'impunite. Vous n'aurez, monsieur
d'Artagnan, que cette lecon pour punir votre indiscipline, et je
n'imiterai pas mes predecesseurs dans leur colere, ne les ayant
pas imites dans leur faveur. Et puis d'autres raisons me font agir
doucement envers vous: c'est que, d'abord, vous etes un homme de
sens, homme de grand sens, homme de coeur, et que vous serez un
bon serviteur pour qui vous aura dompte; c'est ensuite que vous
allez cesser d'avoir des motifs d'insubordination. Vos amis sont
detruits ou ruines par moi. Ces points d'appui sur lesquels,
instinctivement, reposait votre esprit capricieux, je les ai fait
disparaitre. A l'heure qu'il est, mes soldats ont pris ou tue les
rebelles de Belle-Ile.
D'Artagnan palit.
-- Pris ou tue? s'ecria-t-il. Oh! Sire, si vous pensiez ce que
vous me dites la, et si vous etiez sur de me dire la verite,
j'oublierais tout ce qu'il y a de juste, tout ce qu'il y a de
magnanime dans vos paroles, pour vous appeler un roi barbare et un
homme denature. Mais je vous les pardonne, ces paroles, dit-il en
souriant avec orgueil; je les pardonne au jeune prince qui ne sait
pas, qui ne peut pas comprendre ce que sont des hommes tels que
M. d'Herblay, tels que M. du Vallon, tels que moi. Pris ou tue?
A
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