jestueux
de fumee; puis on vit osciller d'abord, puis se pencher, puis
tomber successivement les longues aretes de rocher que la violence
de l'explosion n'avait pu deraciner de leurs socles seculaires;
ils se saluaient les uns les autres comme des vieillards graves et
lents, puis se prosternaient couches a jamais dans leur poudreuse
tombe.
Cet effroyable choc parut rendre a Porthos les forces qu'il avait
perdues; il se releva, geant lui-meme entre ces geants. Mais, au
moment ou il fuyait entre la double haie de fantomes granitiques,
ces derniers, qui n'etaient plus soutenus par les chainons
correspondants, commencerent a rouler avec fracas autour de ce
Titan qui semblait precipite du ciel au milieu des rochers qu'il
venait de lancer contre lui.
Porthos sentit trembler sous ses pieds le sol ebranle par ce long
dechirement. Il etendit a droite et a gauche ses vastes mains pour
repousser les rochers croulants. Un bloc gigantesque vint
s'appuyer a chacune de ses paumes etendues; il courba la tete, et
une troisieme masse granitique vint s'appesantir entre ses deux
epaules.
Un instant, les bras de Porthos avaient plie; mais l'hercule
reunit toutes ses forces, et l'on vit les deux parois de cette
prison dans laquelle il etait enseveli s'ecarter lentement et lui
faire place. Un instant, il apparut dans cet encadrement de granit
comme l'ange antique du chaos; mais, en ecartant les roches
laterales, il ota son point d'appui au monolithe qui pesait sur
ses fortes epaules, et le monolithe, s'appuyant de tout son poids
precipita le geant sur ses genoux. Les roches laterales, un
instant ecartees, se rapprocherent et vinrent ajouter leur poids
au poids primitif, qui eut suffi pour ecraser dix hommes.
Le geant tomba sans crier a l'aide; il tomba en repondant a Aramis
par des mots d'encouragement et d'espoir, car un instant, grace au
puissant arc-boutant de ses mains, il put croire que, comme
Encelade, il secouerait ce triple poids. Mais, peu a peu, Aramis
vit le bloc s'affaisser; les mains crispees un instant, les bras
roidis par un dernier effort, plierent, les epaules tendues
s'affaisserent dechirees, et la roche continua de s'abaisser
graduellement.
-- Porthos! Porthos! criait Aramis en s'arrachant les cheveux,
Porthos, ou es-tu? Parle!
-- La! la! murmurait Porthos d'une voix qui s'eteignait; patience!
patience!
A peine acheva-t-il ce dernier mot l'impulsion de la chute
augmenta la pesanteur; l'enorme roche s'aba
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