nutes apres, le commandant appela le lieutenant en second,
qui remonta aussitot, en ordonnant de mettre le cap sur la
Corogne.
Pendant qu'on executait l'ordre donne, Aramis reparut sur le pont
et vint s'asseoir contre le bastingage.
La nuit etait arrivee, la lune n'etait point encore venue, et
cependant Aramis regardait opiniatrement du cote de Belle-Ile.
Yves s'approcha alors du commandant, qui etait revenu prendre son
poste a l'arriere, et, bien bas, bien humblement:
-- Quelle route suivons-nous donc, capitaine? demanda-t-il.
-- Nous suivons la route qu'il plait a Monseigneur, repondit
l'officier.
Aramis passa la nuit accoude sur le bastingage.
Yves, en s'approchant de lui, remarqua, le lendemain, que cette
nuit avait du etre bien humide, car le bois sur lequel s'etait
appuyee la tete de l'eveque etait trempe comme d'une rosee.
Qui sait! cette rosee, c'etait peut-etre les premieres larmes qui
fussent tombees des yeux d'Aramis!
Quelle epitaphe eut valu celle-la, bon Porthos?
Chapitre CCLVIII -- La ronde de M. de Gesvres
D'Artagnan n'etait pas accoutume a des resistances comme celle
qu'il venait d'eprouver. Il revint a Nantes profondement irrite.
L'irritation, chez cet homme vigoureux, se traduisait par une
impetueuse attaque, a laquelle peu de gens, jusqu'alors, fussent-
ils rois, fussent-ils geants, avaient su resister.
D'Artagnan, tout fremissant alla, droit au chateau et demanda a
parler au roi. Il pouvait etre sept heures du matin, et, depuis
son arrivee a Nantes, le roi etait matinal.
Mais, en arrivant au petit corridor que nous connaissons,
d'Artagnan trouva M. de Gesvres, qui l'arreta fort poliment, en
lui recommandant de ne pas parler haut, pour laisser reposer le
roi.
-- Le roi dort? dit d'Artagnan. Je le laisserai donc dormir. Vers
quelle heure supposez-vous qu'il se levera?
-- Oh! dans deux heures, a peu pres: le roi a veille toute la
nuit.
D'Artagnan reprit son chapeau, salua M. de Gesvres et retourna
chez lui.
Il revint a neuf heures et demie. On lui dit que le roi dejeunait.
-- Voila mon affaire, repliqua-t-il, je parlerai au roi tandis
qu'il mange.
M. de Brienne fit observer a d'Artagnan que le roi ne voulait
recevoir personne pendant ses repas.
-- Mais, dit d'Artagnan en regardant Brienne de travers, vous ne
savez peut-etre pas, monsieur le secretaire, que j'ai mes entrees
partout et a toute heure.
Brienne prit doucement la main du capitaine, et lui
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