ons, dit Aramis.
-- Comment, attendons?
-- Oui; ne voyez-vous pas, comme vous le disiez tout a l'heure,
que, si nous essayons de fuir, ils vont nous couler?
-- Mais peut-etre, hasarda le patron, peut-etre qu'a la faveur de
la nuit nous pourrons leur echapper?
-- Oh! dit Aramis, ils ont bien quelque feu gregeois pour eclairer
leur route et la notre.
Et, en meme temps, comme si le petit batiment eut voulu repondre a
l'appel d'Aramis, un second nuage de fumee monta lentement au
ciel, et du sein de ce nuage jaillit une fleche enflammee qui
decrivit sa parabole pareille a un arc-en-ciel, et vint tomber
dans la mer, ou elle continua de bruler, eclairant l'espace a un
quart de lieue de diametre.
Les Bretons se regarderent epouvantes.
-- Vous voyez bien, dit Aramis, que mieux vaut les attendre.
Les rames echapperent aux mains des matelots, et la petite barque,
cessant d'avancer, se berca immobile a l'extremite des vagues.
La nuit venait, mais le batiment avancait toujours.
On eut dit qu'il redoublait de vitesse avec l'obscurite. De temps
en temps, comme un vautour au cou sanglant dresse la tete hors de
son nid, le formidable feu gregeois s'elancait de ses flancs et
jetait au milieu de l'ocean sa flamme comme une neige
incandescente.
Enfin, il arriva a la portee du mousquet.
Tous les hommes etaient sur le pont, l'arme au bras, les
canonniers a leurs pieces; les meches brulaient.
On eut dit qu'il s'agissait d'aborder une fregate et de combattre
un equipage superieur en nombre, et non de prendre un canot monte
par quatre hommes.
-- Rendez-vous! s'ecria le commandant de la balancelle, a l'aide
de son porte-voix.
Les matelots regarderent Aramis.
Aramis fit un signe de tete.
Le patron Yves fit flotter un chiffon blanc au bout d'une gaffe.
C'etait une maniere d'amener le pavillon.
Le batiment avancait comme un cheval de course.
Il lanca une nouvelle fusee gregeoise, qui vint tomber a vingt pas
du petit canot, et qui le mit en lumiere mieux que n'eut fait un
rayon du plus ardent soleil.
-- Au premier signe de resistance, cria le commandant de la
balancelle, feu!
Les soldats abaisserent leurs mousquets.
-- Puisqu'on vous dit qu'on se rend! cria le patron Yves.
-- Vivants! vivants, capitaine! crierent quelques soldats exaltes;
il faut les prendre vivants.
-- Eh bien! oui, vivants, dit le capitaine.
Puis, se tournant vers les Bretons:
-- Vous avez tous la vie sauve, mes amis
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