meche qu'il enflamma, et dont Porthos activa
la flamme avec son souffle.
La fumee s'etait un peu dissipee, et, a la lueur de cette meche
petillante, on put, pendant une ou deux secondes, distinguer les
objets.
Ce fut un court mais splendide spectacle, que celui de ce geant,
pale, sanglant et le visage eclaire par le feu de la meche qui
brulait dans l'ombre.
Les soldats le virent. Ils virent ce baril qu'il tenait dans sa
main. Ils comprirent ce qui allait se passer.
Alors, ces hommes, deja pleins d'effroi a la vue de ce qui s'etait
accompli, pleins de terreur en songeant a ce qui allait
s'accomplir, pousserent tous a la fois, un hurlement d'agonie.
Les uns essayerent de s'enfuir, mais ils rencontrerent la
troisieme brigade qui leur barrait le chemin; les autres,
machinalement, mirent en joue et firent feu avec leurs mousquets
decharges; d'autres enfin tomberent a genoux.
Deux ou trois officiers crierent a Porthos pour lui promettre la
liberte s'il leur donnait la vie.
Le lieutenant de la troisieme brigade criait de faire feu; mais
les gardes avaient devant eux leurs compagnons effares qui
servaient de rempart vivant a Porthos.
Nous l'avons dit, cette lumiere produite par le souffle de Porthos
sur l'amadou et la meche ne dura que deux secondes; mais, pendant
ces deux secondes, voici ce qu'elle eclaira: d'abord le geant
grandissant dans l'obscurite; puis, a dix pas de lui, un amas de
corps sanglants, ecrases, broyes, au milieu desquels vivait encore
un dernier fremissement d'agonie, qui soulevait la masse, comme
une derniere respiration souleve les flancs d'un monstre informe
expirant dans la nuit. Chaque souffle de Porthos, en ravivant la
meche, envoyait sur cet amas de cadavres un ton sulfureux, coupe
de larges tranches de pourpre.
Outre ce groupe principal, seme dans la grotte, selon que le
hasard de la mort ou la surprise du coup les avait etendus,
quelques cadavres isoles semblaient menacer par leurs blessures
beantes.
Au-dessus de ce sol petri d'une fange de sang, montaient, mornes
et scintillants, les piliers trapus de la caverne, dont les
nuances, chaudement accentuees, poussaient en avant les parties
lumineuses.
Et tout cela etait vu au feu tremblotant d'une meche correspondant
a un baril de poudre, c'est-a-dire a une torche, qui, en eclairant
la mort passee, montrait la mort a venir.
Comme je l'ai dit, ce spectacle ne dura qu'une ou deux secondes.
Pendant ce court espace de temps,
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