er cet infernal agent de la pensee de Colbert.
Le cas de desobeissance etait prevu comme les autres.
-- Monsieur, lui vint dire l'officier, j'attends votre bon plaisir
pour partir.
-- Je suis pret, monsieur, repliqua le capitaine en grincant des
dents.
L'officier commanda sur-le-champ un canot qui vint recevoir
d'Artagnan.
Il faillit devenir fou de rage a cette vue.
-- Comment, balbutia-t-il, fera-t-on ici pour diriger les
differents corps?
-- Vous parti, monsieur, repliqua le commandant des navires, c'est
a moi que le roi confie sa flotte.
-- Alors, monsieur, riposta l'homme de Colbert en s'adressant au
nouveau chef, c'est pour vous ce dernier ordre qui m'avait ete
remis. Voyons vos pouvoirs?
-- Les voici, dit le marin en exhibant une signature royale.
-- Voici vos instructions, repliqua l'officier en lui remettant le
pli.
Et, se tournant vers d'Artagnan:
-- Allons, monsieur, dit-il d'une voix emue, tant il voyait de
desespoir chez cet homme de fer, faites-moi la grace de partir.
-- Tout de suite, articula faiblement d'Artagnan, vaincu, terrasse
par l'implacable impossibilite.
Et il se laissa glisser dans la petite embarcation, qui cingla
vers la France avec un vent favorable, et menee par la maree
montante. Les gardes du roi s'etaient embarques avec lui.
Cependant, le mousquetaire conservait encore l'espoir d'arriver a
Nantes assez vite, et de plaider assez eloquemment la cause de ses
amis pour flechir le roi.
La barque volait comme une hirondelle. D'Artagnan voyait
distinctement la terre de France se profiler en noir sur les
nuages blancs de la nuit.
-- Ah! monsieur, dit-il bas a l'officier, auquel, depuis une
heure, il ne parlait plus, combien je donnerais pour connaitre les
instructions du nouveau commandant! Elles sont toutes pacifiques,
n'est-ce pas?... et...
Il n'acheva pas; un coup de canon lointain gronda sur la surface
des flots, puis un autre, et deux ou trois plus forts.
-- Le feu est ouvert sur Belle-Ile, repondit l'officier.
Le canot venait de toucher la terre de France.
Chapitre CCLI -- Les aieux de Porthos
Lorsque d'Artagnan eut quitte Aramis et Porthos, ceux-ci
rentrerent au fort principal pour s'entretenir avec plus de
liberte.
Porthos, toujours soucieux, genait Aramis, dont l'esprit ne
s'etait jamais trouve plus libre.
-- Cher Porthos, dit celui-ci tout a coup, je vais vous expliquer
l'idee de d'Artagnan.
-- Quelle idee, Aramis?
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