reconnaissance.
-- Mais vous, messieurs, vous que je m'honore d'appeler mes amis,
puisque vous avez bien voulu recevoir ce titre, que devenez-vous
pendant ce temps? reprit l'officier tout emu, en prenant conge des
deux anciens adversaires de son pere.
-- Nous, nous attendons ici.
-- Mais, mon Dieu!... l'ordre est formel!
-- Je suis eveque de Vannes, monsieur de Biscarrat, et l'on ne
passe pas plus par les armes un eveque que l'on ne pend un
gentilhomme.
-- Ah! oui, monsieur, oui, monseigneur, reprit Biscarrat; oui,
c'est vrai, vous avez raison, il y a encore pour vous cette
chance. Donc, je pars, je me rends aupres du commandant de
l'expedition, du lieutenant du roi. Adieu donc, messieurs; ou
plutot, au revoir!
En effet, le digne officier, sautant sur un cheval que lui fit
donner Aramis, courut dans la direction des coups de feu qu'on
avait entendus et qui, en amenant la foule dans le fort, avait
interrompu la conversation des deux amis avec leur prisonnier.
Aramis le regarda partir, et demeura seul avec Porthos:
-- Eh bien! comprenez-vous? dit-il.
-- Ma foi, non.
-- Est-ce que Biscarrat ne vous genait pas ici?
-- Non, c'est un brave garcon.
-- Oui; mais la grotte de Locmaria, est-il necessaire que tout le
monde la connaisse?
-- Ah! c'est vrai, c'est vrai, je comprends. Nous nous sauvons par
le souterrain.
-- S'il vous plait, repliqua joyeusement Aramis. En route, ami
Porthos! Notre bateau nous attend, et le roi ne nous tient pas
encore.
Chapitre CCLIII -- La grotte de Locmaria
Le souterrain de Locmaria etait assez eloigne du mole pour que les
deux amis dussent menager leurs forces avant d'y arriver.
D'ailleurs, la nuit s'avancait; minuit avait sonne au fort;
Porthos et Aramis etaient charges d'argent et d'armes.
Ils cheminaient donc dans la lande qui separe le mole de ce
souterrain, ecoutant tous les bruits et tachant d'eviter toutes
les embuches.
De temps en temps, sur la route qu'ils avaient soigneusement
laissee a leur gauche, passaient des fuyards venant de l'interieur
des terres, a la nouvelle du debarquement des troupes royales.
Aramis et Porthos, caches derriere quelque anfractuosite de
rocher, recueillaient les mots echappes aux pauvres gens qui
fuyaient tout tremblants, portant avec eux leurs effets les plus
precieux, et tachaient, en entendant leurs plaintes, d'en conclure
quelque chose pour leur interet.
Enfin, apres une course rapide, mais frequemmen
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